Risque de faible hydraulicité persistante dans les bassins hydroélectriques du Québec-Labrador : une perspective millénaire
Cette approche permettra aux producteurs hydro-électriques canadiens de mieux évaluer leur exposition aux sécheresses persistantes tout en bénéficiant d'une meilleure connaissance de la variabilité hydrologique à long terme sur le territoire en production.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Sur un territoire comme la péninsule du Québec-Labrador où l'essentiel de la production électrique est d'origine hydraulique, les séquences d'années plus sèches que la normale menacent la sécurité énergétique, une condition essentielle à la croissance économique. A l'heure actuelle, la courte durée des observations hydrométéorologiques et l'incapacité des modèles climatiques à représenter convenablement les caractéristiques de la variabilité naturelle inter-décennale limitent notre capacité à estimer le risque de sécheresse sur ce territoire.
Face à ces enjeux le projet PERSISTANCE, reposant sur un partenariat entre le milieu universitaire, le consortium Ouranos et le secteur hydro-électrique (Hydro-Québec et Manitoba Hydro), propose de valoriser l'information contenue dans les séries hydrologiques millénaires constituées à partir d'indicateurs naturels (cernes d'arbres, séquences sédimentaires) afin d'améliorer l'estimation du risque actuel et futur de faible hydraulicité persistante.
Objectif(s)
-
Estimer le risque de faible hydraulicité persistante (FHP) au cœur de la principale zone de production hydroélectrique au Québec-Labrador en combinant la variabilité contenue dans les reconstitutions hydrologiques aux tendances futures décrites par les modèles climatiques.
Méthodologie
-
Développement de chronologies millénaires de cernes d’arbres et de sédiments lacustres applicables aux grands bassins hydroélectriques: Baie-James, Mer du Labrador et Côte-Nord.
-
Reconstitution des variations millénaires des apports annuels pour chaque bassin hydro-électrique à partir des indicateurs paléo-climatiques à haute résolution développés.
-
Modélisation de la persistance dans les séries hydrologiques millénaires à l’aide de modèles de séries temporelles stationnaires et non stationnaires puis estimation du risque actuel de FHP.
-
Production de l’estimation du risque futur de FHP en prenant en compte l’impact des changements climatiques sur le régime hydrologique ainsi que la persistance représentative de la variabilité millénaire.
Résultats
Variations millénaires des températures estivales
Le projet a permis de constituer, à l’aide des cernes d’arbres, le portrait le plus à jour des variations millénaires des températures estivales, au Québec-Labrador. Ce nouveau portrait régional souligne deux aspects importants. Premièrement, le réchauffement récent (post-1850) n’a été égalé dans l’histoire que lors de la période climatique médiévale. Deuxièmement, il souligne le rôle important joué par les éruptions volcaniques, en particulier les éruptions tropicales, sur la persistance des épisodes froids depuis l’an 1000 CE.
Figure 1. Nouvelle reconstitution des température estivales (MJJA) basée sur les densités maximales du bois (DSTREC). La chronologie est comparée à la reconstitution multi-indicateurs développée par Gennaretti et (2017) (3PSTREC, en haut). Nouvelle reconsittution émergenat de la fusion de D-STREC et 3P-STREC (4P-STREC, en bas). Les éruptions volcaniques sont indiquées par des symboles rouges. Tiré de Wang et al, en prep.
Variations millénaires de l’hydrologie régionale
Le projet a mis à jour les premières reconstitutions hydrologiques millénaires basées sur les séquences sédimentaires à Grand Lake. Ces reconstitutions des apports de la rivière Naskaupi (principal affluent de Grand Lake) remontent jusqu’497 CE et confirment que les variations récentes sont comprises dans les limites de la variabilité historique des 1500 dernières années, tant en terme de débit maximal (Qmax), qu’en terme de débit moyen (Qmoy).
Modélisation de la persistance
Une approche de modélisation statistique de la persistance a été élaborée dans le cadre du projet. Cette approche segmente les séries chronologiques en régimes distincts (Figure 2, exemple des bassins LG2, LG4, Caniapiscau et Churchill Falls) et permet de prédire le risque d’occurrence d’épisodes de FHP. Lorsqu’on alimente cette approche de modélisation par les données reconstituées, l’incertitude sur la prédiction des épisodes de FHP s’en trouve réduite. Cela montre bien la valeur ajoutée que peuvent avoir les archives naturelles dans un cadre prévisionnel.
Figure 2: Segmentation en régimes "humides" (bleu) et "secs" (rouge) des apports reconstitués (1800 CE) aux centrales LG2, LG4, Caniapiscau-Brisay (CAN) et Churchill Falls (CHU).
Ainsi, le projet PERSISTANCE a généré de nouvelles reconstitutions hydro-climatiques, uniques à l’échelle de l’Est de l’Amérique du Nord, rarissimes à l’échelle de l’hémisphère nord. Il est important de rappeler le caractère fragmentaire de la connaissance des variations millénaires au moment de débuter le projet, en 2016, où il n’y avait que deux seuls jeux de données disponibles dans la région d’étude : la reconstitution de Gennaretti et al (2014) à partir des largeurs de cernes d’arbres et la reconstitution de Naulier et al (2015) à partir des isotopes de l’oxygène (résolution 9 ans). Les nouvelles séries de MXD constituées dans le cadre du projet PERSISTANCE représentent une importante valeur ajoutée par rapport aux reconstitutions de températures existantes.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Les producteurs hydro-électriques dans l'Est du Canada possèdent désormais un portrait à jour de la variabilité hydro-climatique sur de longues échelles temporelles, et disposent d'une approche robuste permettant de valoriser cet historique pour améliorer la prévisibilité.
Les producteurs sont désormais mieux outillés pour faire face aux fluctuations de l'approvisionnement qui origine de la variabilité naturelle du climat. Ceci devrait permettre, à terme, de solidifier les bases sur lesquelles les producteurs s'appuient pour gérer et anticiper les fluctuations dans la ressource hydrique, sur des échelles pluriannuelles à décennales.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
-
Commission Géologique du Canada
-
Institut de recherche d’Hydro-Québec (IREQ)
-
Institut National de recherche scientifique (INRS-ETE)
-
Manitoba Hydro
-
Université du Québec à Rimouski (UQAR)
-
Université d’Aix-Marseille
-
Université Laval