Simuler le climat sans calibrer le modèle

De nombreuses disciplines scientifiques utilisent des modèles numériques qui nécessitent une étape de calibration ou d’ajustement avant leur utilisation. Ces modèles, du plus simple au plus sophistiqué, ont en commun d’être contraints par un ensemble de relations empiriques possédant des paramètres et des coefficients modifiables. 

Dans le cas des modèles climatiques, il s'avère inutile de les calibrer à l'aide d'observations. 

La phase de calibration consiste généralement à rechercher la combinaison optimale de valeurs de ces paramètres afin de reproduire le plus fidèlement possible les observations.

En général, les séries chronologiques de données observées sont divisées en deux périodes : la première sert à effectuer la calibration tandis que la seconde permet d'en évaluer la performance. Une multitude de modèles sont basés sur cette approche.

Citons par exemple, des modèles écologiques (niches écologiques, dynamique des populations), des modèles hydrologiques (ex. HSAMI, MOHYSE, HYDROTEL, CEQUEAU), des modèles bioclimatiques pour la croissance et le rendement des cultures (ex. CATIMO, STICS), des modèles pour les écosystèmes forestiers (ex. ForHyM et ForSTeM pour les forêts boréales et tempérées).
 

 

Les modèles de prévisions météorologiques ainsi que les modèles physiques de climat  comme les ESM et les MRC ne sont pas calibrés. Ils reposent sur une approche différente, celle d’être basés sur les équations de la mécanique des fluides. Ils ont pour fonction de simuler une série d’évènements météorologiques pour chacun des points de leur grille de calcul.

Pour un modèle climatique, ces séries d’évènements s’étendent sur plusieurs décennies, voire des siècles. Pour ce faire, ils ont besoin de connaître la composition chimique de l'atmosphère et les paramètres pour le rayonnement solaire de même que le portrait détaillé de la surface planétaire fourni par des données géophysiques.

Ce qui les distingue principalement des modèles empiriques calibrés cités plus haut, c’est qu’en aucun cas, les séries temporelles et les statistiques des observations de température, de vent, d’humidité, de pression, de précipitations ou d’autre variable climatique n’ont servi à formuler ou ajuster les équations du modèle. Ce sont essentiellement les lois de la physique, plus particulièrement celles de la mécanique des fluides, qui sont à l’œuvre à l’intérieur d’un modèle physique de climat.

 

Cependant, plusieurs paramétrages physiques inclus dans les modèles climatiques sont constitués de relations empiriques. Doivent-ils être calibrés ?

 

Les paramétrages physiques cherchent à représenter dans le modèle l'effet de certains phénomènes observés dans la nature mais qui ne peuvent être pris directement en charge par les équations de la mécanique des fluides. Leurs relations empiriques ont parfois été développées grâce à des campagnes de mesures et, une fois intégrées dans le modèle, leurs paramètres peuvent être ajustés jusqu'à un certain point en testant quelques valeurs différentes pour essayer d'améliorer les statistiques (moyenne, variance, etc.) de certaines variables simulées par rapport aux statistiques observées. Cette forme d'ajustement s'appelle "tuning" en anglais et est généralement beaucoup moins élaborée que le processus de calibration décrit précédemment. 

En effet, bien qu'il soit parfois possible d'améliorer un nombre très limité de variables du modèle en testant quelques valeurs de coefficients de l’une ou l’autre des relations empiriques incluses dans les paramétrages physiques, la complexité et la nature non linéaire des équations physiques du système climatique ne permettent pas de forcer le modèle à reproduire ni les statistiques ni la chronologie des observations pour l'ensemble des variables et en tout point de la grille.

En conclusion, même si les modèles climatiques ne sont pas calibrés par des observations du climat récent, ils ont démontré leur capacité à reproduire avec succès plusieurs caractéristiques du climat observé. Malgré leurs imperfections et les lacunes dans les données de sols et de végétations qui servent à décrire la surface terrestre, s’affranchir des observations et utiliser uniquement des lois physiques est un atout pour simuler la réaction du système climatique aux conditions futures de gaz à effet de serre.

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