Amélioration de la reconstruction historique des débits journaliers et des maxima annuels en milieu jaugé et non-jaugé
Les résultats de ce projet permettront aux décideurs de mieux comprendre les risques liés aux événements de crue extrême, tant aux sites jaugés que non-jaugés. Les distributions des débits maxima annuels, tant pour les périodes de crue printanière et estivale-automnale, permettront d’alimenter les modèles hydrauliques dans le processus de cartographie des zones inondables.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Dans la foulée des événements du printemps 2017, le gouvernement du Québec, en impliquant une diversité d’acteurs, a amorcé une réflexion sur la gestion des risques d’inondation à l’échelle de la province, et ce, dans un contexte d’évolution du climat. Cette réflexion a permis de faire plusieurs constats majeurs, dont celui du besoin d’une cartographie des zones inondables à jour et complète pour le Québec permettant une prise en compte adéquate du risque dans l’aménagement du territoire et dans la mise en œuvre de solutions d’adaptation. Pour y parvenir, il est nécessaire d’estimer la fréquence des événements de récurrence élevée ainsi que l’incertitude associée.
Comme la cartographie des zones inondables couvrira les milieux jaugés et les milieux non jaugés, la chaîne de calcul doit s’adapter aux deux types de milieux. Pour les milieux non jaugés, un défi de taille consiste à effectuer une reconstruction historique des débits journaliers et des maxima annuels.
Objectif(s)
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Développer des méthodes permettant de combiner les débits provenant de plusieurs simulations hydrologiques historiques différentes (calages; forçage météo; choix des sous-modèles) aux données des stations hydrométriques, afin de produire la meilleure reconstruction de l’hydrologie passée en milieu jaugé et non-jaugé.
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Identifier la façon optimale de produire des séries de débits maxima annuels et/ou leur distribution avec prise en compte de l’incertitude.
Ce projet s'inscrit dans l'initiative INFO-Crue mise sur pied par le MELCCFP.
Méthodologie
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Application des algorithmes de pondération des simulations hydrologiques historiques aux sites jaugés;
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Régionalisation des poids des simulations hydrologiques historiques aux sites non jaugés;
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Validation croisée de type « leave-one-out »;
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Évaluation de l’incertitude par la méthode de l’enveloppe;
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Comparaison des résultats à la méthode d’interpolation optimale de la Direction de l’expertise hydrique (DEH);
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Application des algorithmes de régionalisation aux débits simulés par Hydrotel piloté par ClimEx;
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Intégration de l’incertitude des débits observés dans la méthode par bruitage des hydrogrammes.
Résultats
Figure 1. Résultats de la validation croisée de type « leave-one-out » pour le KGE des débits (a, b, c) et pour le NRMSE du débit maximal annuel (d, e, f), selon l’interpolation optimale (a, d), la simple moyenne des modèles (b, e) et la technique GRA où les poids sont regénérés à chaque année (c, f).
Plusieurs techniques de régionalisation ont été explorées au cours du projet et ont été comparées à l’interpolation optimale (IO) utilisée de manière opérationnelle à la Direction principale des prévisions hydriques et de la cartographie (DPPHC) du MELCCFP. Les techniques de régionalisation consistent à évaluer la performance des simulations hydrologiques aux sites jaugés et à appliquer un algorithme de pondération sur ces simulations, puis à extrapoler les poids vers le reste du territoire non-jaugé, en prenant en compte la distance et les caractéristiques physiographiques de chaque site. L’avantage principal de ces techniques de régionalisation est qu’elles maintiennent la cohérence spatio-temporelle des simulations et, donc, permettent d’obtenir un plus haut niveau de réalisme et un bilan hydrique cohérent dans les séries temporelles reconstruites. En comparaison, l’IO parvient à être très performante parce qu’elle extrapole les erreurs du modèle hydrologique à chaque pas de temps, au détriment de la cohérence spatio-temporelle et du bilan hydrique.
Parmi les techniques de régionalisation explorées pour le projet, une variante de la méthodologie développée par Granger et Ramanathan (1984) – nommée GRA – s’est avérée la plus prometteuse. Toutefois, il n’a pas été possible de battre ou d’égaler l’IO en pondérant les six plateformes Hydrotel utilisées de manière opérationnelle à la DPPHC, car les techniques de régionalisation demandent une diversité de réponses hydrologiques qu’il n’était pas possible d’atteindre avec 6 versions du même modèle. Pour arriver à obtenir une performance similaire à l’IO avec la technique GRA, il a ainsi été nécessaire de produire 144 simulations supplémentaires en faisant varier les entrées météorologiques et les paramètres du modèle. Ces simulations ont été combinées aux six plateformes Hydrotel, pour un total de 150 simulations hydrologiques. Avec cet ensemble, la performance de GRA est devenue comparable à l’IO, mais sans les compromis de l’IO précédemment mentionnés. De plus, dans une étape se voulant un peu plus exploratoire, il a été démontré que la reconstruction historique des débits avec GRA peut être davantage améliorée et peut même battre l’IO en réévaluant les poids année-par-année (Figure 1), voire mois-par-mois. Contrairement à l’IO, cette technique a également beaucoup de potentiel pour éventuellement intégrer l’information de simulations hydrologiques provenant de modèles différents. L’approche ensembliste utilisée pour la reconstruction historique dans le cadre du projet a également permis d’accompagner les résultats d’un modèle d’erreur.
Finalement, dans l’optique d’explorer des alternatives complètement externes aux techniques classiques de régionalisation, les reconstructions effectuées à l’aide de l’IO et de GRA ont été comparées à un modèle d’apprentissage profond de type LSTM (Long short-term memory). Un modèle à 3 couches (excluant les entrées et la sortie) et à 500 000 paramètres a donc été construit et utilise, en entrée, les caractéristiques des bassins versants et des données météorologiques pour les 365 jours précédents. Les résultats sont encore très préliminaires, mais démontrent une performance similaire en validation croisée pour le KGE des débits, par rapport à l’IO et au GRA. Outre les aspects de cohérence spatio-temporelle, qui n’ont pas été validés, la faiblesse principale semble être dans la capacité à simuler les débits de pointe, qui sont particulièrement difficiles en raison du (relatif) faible nombre de valeurs de débits extrêmes dans le jeu de données d’entraînement. Les avancées en intelligence artificielle étant extrêmement rapides, il est prévu de poursuivre la recherche sur le potentiel des méthodes de type LSTM, par exemple en utilisant davantage de bassins versants jaugés situés à l’extérieur du Québec ou en explorer des approches de type « oversampling/undersampling ».
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
L’hydrologie historique pourra être reconstruite sur l’ensemble du territoire québécois, en milieu jaugé et non-jaugé, avec un plus haut niveau de confiance et un bilan hydrique plus cohérent. Il s’agit d’une donnée de base qui est essentielle pour pratiquement tous les projets d’adaptation qui requièrent de l’information sur les débits des rivières : inondations et évènements extrêmes, approvisionnement en eau, santé des écosystèmes, énergie, etc.
La cartographie des zones inondables pourra être réalisée à l’aide d’une plus grande confiance dans les débits maxima annuels et, conséquemment, dans les données utilisées comme intrant dans l’analyse fréquentielle menant aux crues de récurrence 20, 100 et 350 ans.