Analyse économique des mesures d’adaptation aux changements climatiques appliquée au secteur du ski alpin au Québec
La rentabilité du secteur et l’activité économique régionale liées aux stations de ski dépendent de la réponse de l’industrie aux enjeux liés aux changements climatiques. En effet, les stations de ski sont au cœur d’un écosystème économique tissé serré et les défis à relever représentent une opportunité d’explorer de nouveaux modèles d’affaires.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Au Québec, l’industrie du ski alpin contribue au PIB à hauteur de plus de 800 M$ annuellement et génère plus de 12 000 emplois (équivalents temps plein) dans différentes régions. Plusieurs stations de ski agissent comme des moteurs pour l’activité économique régionale.
Les stations de ski sont affectées par les variations interannuelles du climat qui affectent les conditions d’opération ainsi que l’achalandage des skieurs. L’imprévisibilité et la variabilité des saisons ont une influence sur les mécanismes de prise de décision, la clientèle et les revenus. En considérant l’évolution anticipée du climat au cours des prochaines décennies, il apparaît évident que les changements climatiques constituent une menace réelle aux activités des stations de ski et à la rentabilité des activités qu’elles supportent au niveau organisationnel, mais également à l’échelle régionale.
Objectif(s)
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Évaluer les répercussions des changements climatiques sur l’achalandage dans les stations de ski alpin participant à l’étude;
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Évaluer la rentabilité des mesures d’adaptation en développant une méthodologie d’analyse pour les investissements requis en adaptation;
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Étudier les impacts socioéconomiques régionaux des conséquences des changements climatiques sur les stations participantes et tirer des leçons applicables au niveau provincial.
Démarche
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Prévisions concernant les conditions d’opérations futures des stations de ski, dont les scénarios de couvert de neige (à partir d’un modèle d’accumulation de neige);
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Modélisation de la demande de ski (annuelle et quotidienne) de manière à projeter l’achalandage futur pour les stations de ski alpin participantes;
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Analyse des revenus et des coûts découlant de la mise en place de mesures d’adaptation propres aux stations participantes afin d’en évaluer la rentabilité financière en contexte de changements climatiques;
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Évaluation de l’impact socioéconomique régional des variations anticipées d’achalandage au regard des mesures d’adaptation évaluées par le développement d’un modèle d’impact économique intersectoriel régional.
Résultats
La hausse marquée des températures se traduira par une diminution des fenêtres de froid permettant la fabrication de neige, en particulier durant les mois de novembre et décembre, période critique pour assurer une ouverture avant le congé des fêtes. Aussi, la baisse des précipitations neigeuses accroîtra la dépendance à la fabrication de neige, augmentant ainsi la pression sur l’efficacité des systèmes d’enneigement et sur le contrôle des coûts de préparation du domaine skiable. Soulignons néanmoins que l’ouverture des stations pour la période des Fêtes ne sera pas compromise.
En l’absence d’adaptation, le début de la saison accusera progressivement un retard d’environ 7 à 10 jours à l’horizon 2050 par rapport à la situation présente (2020). Sur la durée totale de la saison, on observera une réduction de 10 à 20 jours d’opération. Toutefois, cette diminution ne compromettra pas la capacité des stations à opérer au-dessus du seuil minimum de 100 jours de ski. Il est prévu que le domaine skiable disponible subirait une baisse variant entre 20 et 30 % des pistes ouvertes, en moyenne, pour les trois stations à l’horizon 2050.
La variabilité des conditions de glisse pourrait faire diminuer l’achalandage avoisinant en moyenne les 10 % pour les Cantons-de-l’Est si aucune mesure d’adaptation n’est mise en place. La variabilité des conditions de glisse affectera également les abonnements de saison, lesquels devraient se contracter d’environ 2 à 7 % d’ici 2050.
À l’échelle de la station, des revenus hivernaux en diminution (-3 à -10 % entre 2020 et 2050) et des coûts assez stables sont attendus. Même si les impacts attendus ne doivent pas être négligés en vue de pérenniser la santé financière des stations de ski, les impacts quantifiés ne suggèrent pas une détérioration considérable de la position financière des stations. Ils amplifient toutefois la nécessité de considérer les risques climatiques dans l’environnement d’affaires afin de maintenir une marge bénéficiaire viable à moyen et long terme.
Les stations ont une certaine capacité à amortir les chocs. Lors des saisons particulièrement difficiles, les stations de ski au Québec ont généralement réussi à compenser les pertes d’achalandage par une hausse des dépenses par jour-ski. Les résultats de cette étude sont cohérents avec cette tendance historique, la diversification des produits et services offrent aux stations une meilleure résilience financière.
Les résultats des analyses financières montrent qu’il sera difficile pour les stations d’absorber à elles seules les investissements majeurs en infrastructures, notamment en équipement de fabrication de neige. Le coût des investissements est tellement pénalisant, que la baisse des dépenses attendue en consommation d’énergie et la hausse des revenus de billetterie découlant de l’attractivité de la montagne ne seront pas suffisantes pour récupérer les montants consentis pour l’infrastructure. Ce constat est assez uniforme pour les trois stations à l’étude et il est possible de croire qu’il serait similaire pour les autres stations au Québec. Le processus d’adaptation représente une belle occasion pour faire évoluer les modèles d’affaires traditionnels et impliquer les collectivités dans cette réflexion.
Tableau 1 : Résumé des mesures d’adaptation considérées pour les analyses
Les résultats mettent en évidence qu’en complément aux investissements stratégiques pour améliorer la capacité d’enneigement et optimiser les pratiques de fabrication de neige, les stations devraient mieux répartir les risques climatiques sur les quatre saisons. Certaines avenues de réflexion peuvent comprendre la diversification des activités offertes, les alliances stratégiques, le renouvellement et l’adoption de nouvelles technologies, l’actualisation de l’environnement bâti, la poursuite d’intégration des pratiques écoresponsables. Une des hypothèses retenues est le potentiel géographique et climatique stratégique du Québec par rapport à ses voisins à l’Ouest et au Sud de la province. Ces régions pourraient être davantage vulnérables aux changements climatiques, cependant aucune étude ne nous permet de confirmer cette hypothèse. Toutefois, le Québec a le potentiel d’augmenter son attraction de skieurs venus des marchés limitrophes.
En résumé, l’étude propose les recommandations suivantes:
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Limiter les coûts d’enneigement en intégrant les connaissances climatiques à jour;
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Utiliser la modélisation de la neige comme outil de gestion;
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Optimiser selon les bonnes pratiques;
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Évaluer l’utilisation de solutions innovantes pour les systèmes de fabrication de neige;
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Projeter l’achalandage permet une planification plus optimale des stations.
Retombées pour l'adaptation
Bien que l’effet réel de la fluctuation de l’achalandage en station sur l’économie régionale est difficile à capturer, les nouvelles connaissances soulignent que des défis majeurs sont à prévoir pour maintenir la qualité du couvert neigeux et l’expérience client.
La rentabilité du secteur et l’activité économique régionale liées aux stations dépendent de la réponse de l’industrie à ces enjeux inévitables. Les stations de ski sont au cœur d’un écosystème économique tissé serré. Ces défis représentent une opportunité pour l’industrie d’explorer de nouveaux modèles d’affaires.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Mont Orford
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Mont Sutton
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Ski Bromont