Estimation des surcotes et du rehaussement marin aux exutoires des rivières situées dans le tronçon fluvial et maritime (estuaire et golfe) du Saint-Laurent
Les résultats de ce projet permettront de produire une meilleure estimation des risques d’inondations et une meilleure cartographie des zones inondables pour les régions côtières.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
La modélisation hydraulique utilisée pour la cartographie des zones inondables demande des conditions frontières, soit des débits en entrée et des niveaux d’eau à la sortie du tronçon. La modélisation des débits en provenance des rivières, ainsi que diverses façons de les améliorer, est déjà adressée par plusieurs projets d’INFO-Crue. Par contre, la prise en compte des niveaux d’eau et de l’impact du rehaussement marin dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent est un nouvel élément qui a peu été exploré dans le contexte québécois.
Ainsi, ce projet vise à fournir au gouvernement du Québec les données nécessaires afin de cartographier les zones inondables dans les exutoires des rivières influencées par les phénomènes estuariens et maritimes. Plus précisément, cette étude souhaite fournir un estimé des niveaux d’eau présents et futurs pour les rivières comprises dans les travaux d’INFO-Crue et qui possèdent des exutoires se situant dans le tronçon fluvial et maritime du Saint-Laurent ou le long de la rivière Saguenay, tel qu’illustré à la Figure 1. Le projet vise également à développer une méthodologie et à fournir une expertise au gouvernement afin d'accroître leurs connaissances dans ce domaine.
Objectif(s)
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Identifier des jeux de données adéquats pouvant permettre au gouvernement du Québec de simuler des inondations conjointes entre le milieu maritime et fluvial en climat actuel et futur.
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Élaborer une méthodologie qui permette de calculer les probabilités d’inondations conjointes entre les rivières et le Saint-Laurent pour les exutoires visés par les travaux d’INFO-Crue.
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Préparer les données nécessaires à la composante maritime de la technique qui aura été identifiée au point précédent (e.g. maximums annuels, niveaux de récurrence T, niveaux moyens et incertitudes associées à tous ces éléments).
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Analyser l’impact du rehaussement marin sur les niveaux d’eau le long du Saint-Laurent, ainsi que sur la fréquence des crues conjointes.
Figure 1. Emplacement des exutoires du projet (cercles noirs), ainsi que des stations marégraphiques (étoiles rouges).
Ce projet s'inscrit dans l'initiative INFO-Crue mise sur pied par le MELCCFP.
Méthodologie
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Création d’un jeu de données conjoint débit-niveau d'eau basé sur les maximums annuels de l’une de ces variables et sur le maximum de l'autre dans un intervalle de ±1 jour.
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Évaluation de la corrélation entre les variables conjointes dans le but de déterminer le type de copule (indépendante/dépendante) pour l'analyse de fréquence bivariée.
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Copule indépendante (corrélation non-significative) : sélection de plusieurs couples de débit-niveau d'eau associés à une période de retour donnée, pour la prise en compte de l'inondation conjointe causée par l'interaction entre les deux phénomènes.
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Copule dépendante (corrélation significative) : sélection du couple débit-niveau d'eau le plus probable (vraisemblance maximale) associés à une période de retour conjointe donnée.
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Analyse fréquentielle bivariée à l'horizon futur (incluant l'effet du rehaussement marin) et évaluation des changements par rapport à la période historique.
Résultats
Estuaire et golfe Saint-Laurent et la rivière Saguenay
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La dépendance entre les débits et les niveaux d’eau extrêmes (dans un intervalle de ±1 jour) est faible et statistiquement non significative pour l’ensemble des tronçons situés en aval de la Ville de Québec, ainsi que le long du Saguenay. Par conséquent, une analyse fréquentielle bivariée utilisant la copule indépendante a été utilisée pour déterminer 7 couples équiprobables de Q-H associés à chacune des récurrences de 2, 100 et 350 ans, dont les combinaisons de débits et de niveaux d’eau recommandées par la FEMA aux États-Unis.
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Le rehaussement marin peut modifier de façon très importante la période de retour conjointe et sa considération dans la cartographie des zones inondables en région côtière est essentielle. En effet, la comparaison des résultats produits avec et sans l'effet du rehaussement marin démontre que les évènements extrêmes conjoints sont appelés à devenir beaucoup plus fréquents à la fin du siècle (Figure 2).
Figure 2. Isolignes des crues conjointes de 2,5,10,20,50 et 100 ans pour la série conjointe des débits maximums annuels et des niveaux d’eau maximums dans un intervalle ±1 jour, en incluant les effets du rehaussement marin à l’horizon temporel de 2100. Les scénarios sélectionnés à l’exutoire de la rivière au Renard sont identifiés en mauve, tandis que les points noirs illustrent les mêmes scénarios, mais sans l’effet du rehaussement marin.
Secteur fluvial (Québec-Montréal)
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La dépendance entre les débits et les niveaux d’eau extrêmes est souvent statistiquement significative, notamment en amont de Portneuf où les niveaux d’eau extrêmes sont de plus en plus le fruit des crues printanières du fleuve Saint-Laurent plutôt que le résultat d’ondes de tempêtes. Pour ces exutoires, une délimitation des zones inondables qui ne prendrait pas en compte la dépendance entre les deux phénomènes pourrait sous-estimer les risques d’inondation de façon significative.
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Pour les exutoires où une corrélation significative existe entre les débits et les niveaux d’eau extrêmes, il est nécessaire de faire appel à des copules dépendantes pour l’analyse fréquentielle bivariée. En effet, l’utilisation de copules indépendantes ou l’application de l’approche proposée par la FEMA aux États-Unis aurait pour conséquence de sous-estimer de façon significative la fréquence des évènements conjoints.
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L’analyse démontre que l’impact du rehaussement marin est le plus important près de Québec et diminue de manière non linéaire pour les embouchures en amont. Par exemple, pour la rivière Batiscan, l’événement historique conjoint de 100 ans pourrait devenir 5 fois plus fréquent à la fin du siècle. Selon les projections actuelles, l’impact du rehaussement marin devient nul pour les exutoires situés en amont de la rivière Saint-François (Figure 3).
Figure 3. (Lignes multicolores) Isolignes de la crue conjointe pour les périodes de retour de 2, 5, 10, 20, 50 et 100 ans de la série de débits maximums annuels et de niveaux d’eau maximums dans un intervalle ±1 jour, en incluant les effets du rehaussement marin à l’horizon temporel de 2100. Les paires Q-H correspondant au maximum de vraisemblance sont identifiées par des cercles roses tandis que les étoiles noires illustrent ces mêmes points, mais sans l’effet du rehaussement marin. Les cercles gris montrent le jeu de données conjoint.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Les résultats de ce projet permettront de produire une meilleure estimation des risques d’inondations et, par conséquent, une meilleure cartographie des zones inondables pour les régions où les niveaux d’eau du milieu récepteur ont un impact significatif sur les risques d’inondation.
Ce projet a permis d’obtenir une première quantification du rehaussement marin entre Québec et Montréal, et a également permis d’inclure ce phénomène dans l’évaluation des risques d’inondations conjointes pour le secteur fluvial, estuarien et maritime. Cela est d'autant plus intéressant sachant que l’impact du rehaussement marin sur le territoire québécois demeure peu exploré, notamment le long du fleuve Saint-Laurent.
De plus, le projet a permis de développer une expertise, notamment auprès des ingénieurs du gouvernement du Québec, sur les analyses bivariées et sur la prise en compte des niveaux d’eau du milieu récepteur dans les analyses fréquentielles.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Jean-François Cyr, DEH
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Richard Turcotte, DEH
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Edouard Mailhot, DEH
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Hind El Housni, DEH
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Louis-Philippe Caron, Ouranos
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Gabriel Rondeau-Genesse, Ouranos
Projets connexes
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