Évaluer l’intérêt de pondérer un ensemble hétérogène de modèles de climat afin d’améliorer les projections hydroclimatiques futures sur le Québec méridional

Afin de projeter l’évolution des crues dans un contexte de changements climatiques, la Direction de l'expertise hydrique (DEH) a produit un ensemble de simulations hydrologiques sur environ 28 000 tronçons de rivières du Québec. Ces simulations utilisent des projections climatiques provenant de plusieurs modèles climatiques différents. Bien que cet ensemble regroupe la plupart des simulations disponibles selon l’état de l’art et offre une grande variété de projections des changements climatiques futurs, il n’est pas construit en fonction de la performance des modèles à simuler le climat observé, ni de leur crédibilité à effectuer des projections climatiques futures.

Dans le cadre de ce projet, nous explorerons la pertinence de pondérer cet ensemble hétérogène de modèles (i.e. accorder plus d’importance à certaines simulations selon certains critères) afin d’améliorer les projections hydroclimatiques pour le Québec.

• Évaluer la capacité des modèles de climat à reproduire les principales caractéristiques du climat historique.

• Identifier des métriques d’évaluation permettant de discriminer les performances des modèles.

• Analyser l’effet de combiner plusieurs métriques d'évaluation dans un même schéma de pondération.

• Quantifier l’impact des choix méthodologiques de la pondération sur les projections climatiques.

• Extraire sur le domaine du Québec méridional un ensemble hétérogène de modèles de climat basé sur les projets CMIP5, CORDEX et ClimEx.

• Analyser les performances des simulations (brutes et post-traitées) pour différents indicateurs climatiques d'intérêt en hydrologie.

• Associer des poids aux modèles à partir des métriques de performance.

• Évaluer la sensibilité des poids à différents paramètres, dont l'ajustement de la fonction de poids et la combinaison de plusieurs métriques de performance.

• Utiliser les 50 membres de l'ensemble ClimEx comme des pseudoréférences pour évaluer l'impact de la variabilité interne (naturelle) sur le calcul des poids.

• Comparer les projections climatiques pondérées par les performances avec des méthodes de sélection se basant sur les caractéristiques des modèles (p.ex. résolution et type de modèle).

Les simulations brutes et post-traitées ont été évaluées en climat passé pour les principales statistiques climatiques des variables de température et de précipitation. Ces statistiques correspondent aux moyennes climatologiques, à la variabilité interannuelle et aux tendances historiques de changements climatiques. De plus, le jeu de données sur grille de NRCan a été utilisé comme référence. Par construction, le post-traitement améliore systématiquement les moyennes climatologiques de la température et de la précipitation. Cependant, de telles améliorations ne se produisent pas pour la variabilité interannuelle et les tendances historiques des changements climatiques.

D’autre part, l'impact de la variabilité interne sur le calcul des poids de performance a été évalué. La figure 1 montre la distribution des poids obtenus pour les modèles évalués en utilisant les membres de l'ensemble ClimEx comme des pseudoréférences. L'incertitude des poids est généralement petite pour les moyennes climatologiques, et substantielle pour la variabilité interannuelle et les tendances qui sont fortement influencées par la variabilité interne du climat.

Figure 1 : Poids calculés pour la moyenne climatologique, la variabilité interannuelle et la tendance historique de la température moyenne en hiver (DJF) en utilisant à tour de rôle les 50 membres de ClimEx comme des pseudoréférences.

De plus, appliquer différentes méthodes de pondération pour calculer la moyenne de changement climatique de la température et la précipitation présente un impact qui a été quantifié. Sur la figure 2, à gauche, sont comparées les moyennes pondérées obtenues par différentes méthodes de sélection en fonction des caractéristiques des modèles, telles que le type de modèle (régional ou global), la résolution spatiale, ou selon certains paradigmes de sélection comme “un modèle un vote”, ou “un centre un vote”. Le panneau à droite sur cette figure montre les mêmes variables de changements climatiques, mais pondérées en fonction des performances climatologiques des modèles et en utilisant différentes configurations de la fonction de poids. L'incertitude du signal pondéré est relativement faible malgré de fortes hypothèses de sélection et de pondération. Cependant, il est important de souligner que l'ensemble utilisé ici compte une cinquantaine de modèles, et donc qu'une incertitude plus grande est attendue pour de plus petits ensembles de simulations.
 

Figure 2 : Delta de température et précipitation en hiver pour 2071-2100 par rapport à 1981-2010 (selon RCP 8.5) en utilisant différentes méthodes de pondération. À gauche, les pondérations basées sur des hypothèses de sélection des modèles, à droite pour différentes configurations d'une pondération basée sur les performances. 

Enfin, l'évaluation d'une relation entre la sensibilité climatique globale (ECS, pour "Equilibrium Climate Sensitivity") et le changement climatique régional est une autre analyse d’intérêt dans ce rapport. La figure 3 montre qu'une telle relation existe pour la température tandis que ce n'est pas le cas pour la précipitation (non montré). Or, il a été reconnu par la communauté (GIEC 2021) que l’intervalle d’ECS considéré comme probable est de 2.5 à 4°C (Hausfather et al., 2022). Les simulations utilisées pour construire la figure 2, basées sur la génération de modèles CMIP5, montrent un ECS variant entre 2°C et 4.7°C. Cela laisse peu de marge de manœuvre pour contraindre l'incertitude des projections à l'aide de l'ECS. Cependant, pour l'ensemble CMIP6 où plus du quart des modèles ont un ECS plus grand que 4.7°C, l'ECS permet de contraindre l'incertitude du signal régional de température de manière plus importante. 

Figure 3 : Delta saisonnier de température sur le Québec méridional pour 2071-2100 par rapport à 1981-2010 (selon RCP 8.5) en fonction de la sensibilité climatique à l'équilibre (ECS) du modèle global utilisé.

En conclusion, ce rapport rappelle que le paradigme de la démocratie des modèles, aussi connu sous le nom de “un modèle un vote”, est difficile à discréditer lorsque les projections climatiques sont étudiées à l’échelle régionale. Cela est en grande partie dû à la forte variabilité interne à ces échelles. Afin de changer de paradigme, il sera important au cours des prochaines années de réaliser des travaux de recherche visant à identifier les métriques les plus adéquates pour évaluer les performances des modèles en fonction de l’application, c’est-à-dire en fonction de la nature des processus physiques impliqués. En particulier, il y a un potentiel pour des travaux cherchant à établir des liens entre les échelles globale et régionale des projections, pour éventuellement atteindre l’échelle hydrologique.

• Direction de l'expertise hydrique (MELCC)

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