Évolution d’indicateurs spatialisés de la santé des sols sous l’effet des changements climatiques au Québec et en Ontario
Ce projet permettra aux producteurs et intervenants du milieu agricole d'être mieux outillés pour comprendre les impacts des changements climatiques sur l’utilisation du territoire et de leurs effets sur la santé des sols et leur vulnérabilité à la dégradation.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Les superficies de sol avec un bon potentiel agricole sont évaluées à 2,3 Mha au Québec (1,4%) et 7,8 Mha en Ontario (7,2%). Les changements climatiques vont probablement conduire à une intensification de la production agricole sur les superficies actuelles et à une expansion de l’agriculture dans des régions où le climat actuel ne la permet pas. Ainsi, cette intensification de l’utilisation des terres conduira inévitablement à une minéralisation accrue de la matière organique des sols et à la dégradation de sa structure.
De plus, le ruissellement et l’érosion des sols (sédiments, nutriments et pesticides) vers les cours d’eau ainsi que les émissions de gaz à effet de serre risquent de fortement augmenter. Cependant l’impact sur la productivité des cultures reste incertain. Il importe donc d’anticiper les changements de la nature et l’étendue de l’évolution de la santé des sols et de mettre en place les pratiques de conservation des sols qui permettront d’atténuer ces impacts et d’assurer la productivité des sols.
Objectif(s)
Dans un premier temps, le projet visait à mieux comprendre l’évolution et la variabilité spatiale des indicateurs de santé des sols sous l’effet des changements climatiques. Un autre objectif était de valider les pratiques de conservation des sols qui permettront d’atténuer les impacts des changements climatiques et d’assurer la productivité des sols agricoles du Québec et de l’Ontario. Pour réaliser ces objectifs, la recherche a été menée en trois axes :
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Modéliser l’évolution de la teneur en matière organique des sols et de sa distribution spatiale en climat futur, jusqu’en 2100, à l’échelle du Québec et de l’Ontario.
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Développer et spatialiser un index de santé des sols en Ontario, basé sur des données historiques de propriétés des sols, à partir desquels les risques de dégradation des sols sous l’effet des changements climatiques seront quantifiés et cartographiés;
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Mesurer avec des essais sous simulateurs de pluie, l’efficacité de pratiques de conservation à contrôler l’érosion hydrique sous les conditions édaphiques et climatiques actuelles et futures.
Méthodologie
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Axe 1 : utilisation de différentes approches de modélisation de la matière organique des sols par apprentissage machine et déterministe en utilisant des données d’analyses de sols d’un laboratoire privé, des données climatiques de référence et futures fournies par Ouranos, des données d’occupation de sols (zone cultivée et type de culture) provenant de la Financière agricole du Québec (FADQ) et d’Agriculture et agroalimentaire Canada (AAC), ainsi que de données de modèles numériques de terrain.
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Axe 2 : les cartes pédologiques de six régions du lac Érié ont fait l’objet d’une étude plus approfondie pour essayer et valider différentes approches avec l’algorithme DSMART (Disaggregation and Harmonisation of Soil Map Units Through Resampled Classification Trees) pour désagréger leurs unités cartographiques en séries de sol sur une grille au 30 m et appliquer la méthode à l’Ontario.
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Axe 3 : des essais en parcelles expérimentales ont été réalisés sous simulateurs de pluie à deux intensités, 61 and 71 mm/h, pour représenter les pluies de référence et en climat futur. Six traitements impliquant diverses couvertures du sol, le soya, le travail ou non du sol et la présence ou non d’une culture intercalaire ont été comparés.
Résultats
Différents modèles en apprentissage machine ou linéaires ont prédit (sur un jeu indépendant de données) la répartition de la matière organique des sols à l’échelle du Québec avec des R2 variant de 0,42 à 0,49. Le modèle Random Forest retenu pour faire ces prédictions inclut par ordre d’importance, la texture, le ratio de cultures pérennes, des indicateurs climatiques et finalement des variables liées au modèles numériques du terrain. Au début des années 2100, les sols connaîtront une diminution plus importante de leur teneur en matière organique dans les régions plus froides du Québec, ainsi qu’une diminution des superficies en cultures pérennes (Figure 1). Cependant, les diminutions de la matière organique des sols dans ces régions seront davantage imputées aux réchauffements climatiques qu’aux changements de cultures. De plus, la texture des sols jouera un rôle important. La teneur en matière organique étant généralement plus faible dans les sols sableux que dans les sols argileux, la dynamique du climat futur les affectera différemment selon les régions.
Les différents scénarios d’émissions de GES anticipés (RCP 4.5 et 8.5) auront moins d’effet. De plus ils seront du même ordre de grandeur que le changement d’affectation des terres de cultures pérennes en annuelles. L’application du modèle climatique à l’échelle ontarienne n’a pas produit de résultats aussi crédibles en termes de teneurs initiales en matière organique et de son évolution de en raison des domaines climatiques mal représentés et des sources de données différentes pour l’évaluation du ratio de cultures pérennes.
Figure 1: Effets de la texture (a), de la zone agroclimatique (b) sur les teneurs en matière organique des sols projetées au Québec de 2010 à 2100 sous l’effet de deux scénarios de GES (RCP 4.5 et 8.5) et du ratio de cultures pérennes.
Enfin, les travaux menés sur la désagrégation des unités cartographiques de sols à l’échelle de l’Ontario ont produit une carte unifiée des séries de sols géolocalisées ainsi qu’une carte probable de teneurs en matière organique sur une grille de 250 m avec un niveau d’incertitude acceptable.
Les essais de démonstration conduits en parcelles expérimentales sous simulateur de pluie ont démontré que les changements climatiques augmenteront de façon significative le ruissellement de surface (48 %), l’érosion des sols (48 %) et les pertes d’éléments nutritifs dans les sols (de 42 à 86% selon les éléments). En production de soya, les pratiques de conservation de sols (le semis direct et les cultures intercalaires de couverture) auront le potentiel de contrôler les pertes accrues de sols et de nutriments en climat futur.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Ce projet a permis d'identifier des régions d'intérêt pour lesquelles il sera d'autant plus important de mettre en place des mesures de conservation des sols si ceux-ci sont convertis en cultures annuelles. En effet, les régions des Laurentides, du Témiscamingue, du pourtour et nord du Lac-Saint-Jean, et de l’Abitibi présentent des sols argileux qui sont plus susceptibles de perdre des quantités importantes de matière organique en climat futur.
Les travaux de désagrégation de l’information sur les sols de l’Ontario ont démontré le potentiel de la technique pour augmenter et préciser l’information sur les sols en appui aux prises de décision, notamment sur la distribution de la matière organique des sols à une échelle fine.
Sous un régime accru de précipitations en climat futur, des mesures de conservation des sols devront être mises en place telles que la réduction à zéro du travail de sol et l’emploi de cultures de couvertures pour protéger les sols du ruissellement, de l’érosion et des pertes accrues de nutriments.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Ce projet est financé par le MAPAQ sous le programme Innov'Action agroalimentaire.
Autres participants
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Université du Québec à Chicoutimi
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Agriculture et Agroalimentaire Canada
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Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation
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Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario
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Université suédoise des sciences agricoles
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Agro Enviro Lab
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Ausable Bayfield Conservation Authority
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