Gestion intégrée des barrages face aux changements climatiques et résilience des communautés locales
Ce projet a permis le développement d’un modèle de gouvernance qui facilite la résolution de problématiques complexes et multi acteurs tout en favorisant l’acceptation sociale des solutions co-construites avec les acteurs locaux.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Le Québec compte plus de 8000 barrages associés à divers usages ou finalités telles que l’hydroélectricité, le contrôle des crues ou la villégiature. La gestion de ceux-ci implique le choix du niveau d’eau dans le bassin-réservoir en amont ainsi que du débit à évacuer dans le tronçon du plan d’eau en aval. Les besoins en eau qui découlent des divers usages étant souvent concurrents, il est souvent impossible de les satisfaire simultanément en tout temps, provoquant des conflits d’usages.
De nombreux facteurs peuvent influencer la gestion des barrages (ou lacs-réservoirs) et la capacité des gestionnaires à maintenir un équilibre hydrologique et écologique peut s’avérer d’autant plus complexe dans un contexte de changements climatiques. En effet, ceux-ci accentuent les périodes de forts débits et de sécheresse ou modifient les périodes de pointe.
Les gestionnaires de barrages sont légalement contraints par des critères qui réfèrent principalement à la sécurité du barrage (ex. : potentiel de rupture) ainsi qu’à sa finalité (ex. : production d’hydro-électricité). Ils sont d’ailleurs tenus d’adopter des plans de gestion des eaux retenues mais ne sont pas contraints de consulter le public ni de prendre en considération les changements climatiques (au-delà des enjeux de sécurité) et les préoccupations des acteurs locaux.
Devant ces constats, une équipe de recherche multidisciplinaire a été mobilisée afin d’améliorer les connaissances sur la gouvernance des barrages, de proposer des outils de gouvernance et de faire des recommandations dans le cadre d’un projet de recherche-action portant sur trois cas d’étude :
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le barrage North Hatley du lac Massawippi qui est géré par la régie intermunicipale du Parc régional Massawippi
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le barrage du lac Montjoie qui est géré par l’association pour la protection du lac Montjoie
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barrage Jules Allard du Grand lac Saint-François qui est géré par le Centre d’expertise hydrique du Québec
Objectif(s)
Le projet vise à répondre au besoin d’une gestion adaptée et intégrée des barrages, ainsi qu’au besoin de gestion d’autres risques liés aux impacts des changements climatiques qui ne peuvent être internalisés dans les plans de gestion des barrages (« risques résiduels »). Par ailleurs, ce projet a permis de créer un partenariat social mis en place par l’équipe de recherche. Celui-ci s’articule autour de trois objectifs spécifiques :
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Co-construire, avec les parties prenantes, un plan de gestion du barrage adapté aux changements climatiques et intégrant les préoccupations des communautés locales touchant l’environnement et les divers usages de l’eau;
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Co-construire, avec les communautés locales, un plan de gestion des risques climatiques résiduels, soit les risques qui ne peuvent être pris en compte par la gestion des niveaux d’eau et des débits;
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Fournir aux communautés locales les informations scientifiques et les outils de gouvernance leur permettant de renforcer leur capacité d’adaptation aux changements climatiques.
Méthodologie
Le projet Acclimatons-nous! Barrages a établi trois laboratoires vivants et a créé et mobilisé un modèle de gouvernance normative regroupant les éléments suivants :
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La mobilisation des ressources (mise en place de l’équipe de projet, recrutement d’experts, mobilisation des acteurs clés, identification des enjeux et portrait du territoire);
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Production et partage d’information (documentation des enjeux, analyse hydrologique et gestion des niveaux d’eau et des débits en climats de référence et futur, transfert de connaissance);
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Co-construction d’une solution (création d’un espace de dialogue, apport d’information favorisant la prise de décision éclairée et co-construction de plans de gestion et de plans de gestion des risques résiduels);
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Établissement de mesures de suivi (création d’un comité de suivi, identification du rôle et de la fréquence des activités du comité).
Résultats
Les objectifs du projet Acclimatons-nous! Barrages, atteints en tout ou en partie, ont permis de confirmer l’intérêt du modèle de gouvernance normative proposé pour l’élaboration de plans de gestion de barrage intégrant les changements climatiques et les préoccupations locales. Tel que le démontre le tableau 1, les discussions auront en effet permis de préciser certaines contraintes de gestion afin d’en dégager une solution globale et d’identifier des ajustements pour les plans de gestion de certains barrages.
Tableau 1. Contraintes actuelles et solutions issues de la co-construction du projet Acclimatons-nous! Barrages.
Barrage North Hatley
Ce barrage était opéré préalablement par la municipalité de North Hatley et maintenant par la municipalité du Canton de Hatley. Ce changement de gestionnaire durant le projet et la volonté du nouveau gestionnaire de collaborer avec la direction générale des barrages du MELCCFP pour appliquer avec plus de rigueur le plan de gestion du barrage, ont justifié un statu quo, du moins pour 3 ans soit le temps de constater ou non l’amélioration de certains enjeux. Toutefois, des ajustements à la gestion du barrage ont été effectués comme l’ouverture ou la fermeture graduelle de la vanne et la stabilisation du niveau d’eau à la mi-octobre pour préserver la population de touladis en particulier.
Barrage du lac Montjoie
Dans le cas de ce barrage, la co-construction des solutions devra se poursuivre dans les prochains mois. Certains éléments importants ont d’ailleurs été identifiés comme importants à considérer pour le niveau de l’eau durant l’hiver. Cependant, le processus de co-construction a d’ores et déjà permis d’identifier des ajustements nécessaires : qu’un débit minimum s’écoule en tout temps du barrage et mettre fin à la vidange du lac Montjoie au printemps. Enfin, bien que cela ne relève pas simplement de la gestion des niveaux d’eau et des débits, il est aussi apparu pertinent d’évaluer la possibilité d’apporter des modifications structurelles au barrage afin de favoriser l’atteinte de la courbe guide. Par ailleurs, la cote maximale d’exploitation a été précisée pour le lac Massawippi et le lac Montjoie.
Barrage Jules-Allard
Le plan de gestion actuel de ce barrage a été identifié comme adéquat étant donné, notamment, qu’il a déjà fait l’objet d’analyse pour la prise en compte des changements climatiques et des préoccupations locales par le gestionnaire de barrage. La démarche de gouvernance normative a toutefois permis aux acteurs du milieu de :
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mieux comprendre la complexité de sa gestion;
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apprécier le travail effectué par le gestionnaire
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réaliser que la solution à leurs enjeux ne passerait pas par la gestion du barrage mais par l’élaboration d’un plan de gestion des risques climatiques résiduels qui devra être harmonisé avec la multitude des plans d’action existants pour ce territoire (PRMHH, analyse de vulnérabilité des sources d’eau potable, etc.).
Un comité de suivi, composé de citoyens impactés, de l’OBV et de chercheurs, fera rapport sur les actions de ce plan.
Analyse du cadre juridique
Dans son ensemble, le projet a également permis, par l’analyse du cadre juridique, de mettre en évidence que certaines contraintes légales n’étaient pas considérées dans les plans de gestion actuels. Il est toutefois important de noter que ces plans ne sont pas accessibles pour consultation, même à la suite qu’une demande d’accès à l’information ait été formulée par l’équipe de recherche.
Recommandations
En plus de fournir aux communautés locales des informations scientifiques et des outils de gouvernance (site internet Acclimatons-nous.org, analyse du réseau social, séances de médiation/facilitation, etc.), le projet propose des recommandations pour améliorer la gestion des barrages face aux changements climatiques et aux préoccupations des communautés :
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L’État provincial devrait : 1. mettre en œuvre l’article 19 de la Loi sur la sécurité des barrages, et rendre public le plan de gestion des eaux retenues ainsi que le plan des mesures d’urgence ; 2. favoriser l’adaptation aux changements climatiques en rendant obligatoire la co-construction non seulement du plan de gestion du barrage, mais également du plan de gestion des risques climatiques résiduels et 3. rendre accessible/disponible un accompagnement financier et technique pour les gestionnaires de barrage, tant privés que publics;
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Les propriétaires de barrage au Québec devraient se constituer en réseau pour aider à uniformiser la qualité de la gestion des barrages ainsi que l’efficacité du suivi des enjeux découlant de cette gestion.
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Les OBV devraient être en mesure d’accompagner de façon pérenne les différents acteurs liés à la gestion intégrée des barrages et de consolider les actions des différents outils d’aménagement touchant à leur bassin versant.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Sensibilisation et renforcement de la capacité d’adaptation aux changements climatiques des acteurs des trois études de cas considérées.
Développement d’un modèle de gouvernance qui facilite la résolution de problématiques complexes et multi acteurs et favorise l’acceptation sociale des solutions co-construites avec les acteurs locaux. Ce modèle est d’ailleurs d’intérêt pour la gestion d’autres barrages ou d’autres enjeux environnementaux dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Ministère de l’Environnement et Lutte contre les Changements climatiques (MELCC)
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ROBVQ
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Université du Québec à Rimouski
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Université de Montréal
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Université McGill
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Western Ontario University