Impact à moyen terme d'une hausse de la température du sol et de l'enrichissement en azote sur la croissance de l'épinette noire
Ces travaux montrent que l'espèce la plus répandue et exploitée dans la forêt boréale de l'Est du Canada, pour ses qualités exceptionnelles, présente une résistance surprenante à des traitements simulant un réchauffement climatique à moyen terme (8 ans).
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
La région boréale circumpolaire abrite 32% des forêts du globe. Au Canada, la forêt boréale contribue pour 60% des revenus provenant de l’exploitation du bois et ce, en considérant seulement les emplois directs (coupe du bois, production de pâte à papier, bois d’œuvre). Malgré son importance vitale, la sensibilité de cet écosystème aux changements climatiques est encore mal connue. Une meilleure connaissance des facteurs qui influent sur la productivité et la structure de la forêt boréale est essentielle pour exploiter cet écosystème de façon durable tout en se donnant des outils fiables pour estimer son évolution dans un avenir rapproché.
Objectif(s)
Mieux comprendre les effets des changements climatiques et plus particulièrement, les effets des changements dans la température, les précipitations et les dépôts azotés atmosphériques sur l’absorption des nutriments, la photosynthèse et l'utilisation des sucres ainsi que sur la croissance radiale du sapin baumier et de l’épinette noire, en forêt boréale mature.
Démarche
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Suivi en temps réel de la croissance intra-annuelle des arbres matures à l’aide de dendromètres électroniques et d’analyses anatomiques du développement du cerne de croissance (xylogénèse);
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Disposition de câbles chauffants au niveau du système racinaire permettant de produire une fonte hâtive de la neige. Installation de gicleurs au-dessus de la canopée pour soumettre les arbres sélectionnés à un régime de précipitations artificielles enrichies en azote marqué (15N);
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Suivi du développement cellulaire de cernes de croissance par l’échantillonnage de différentes parties des arbres et compartiments de l’écosystème pour faire un bilan des éléments nutritifs.
Résultats
Des dispositifs expérimentaux originaux ont été établis dans une sapinière mature et dans deux pessières noires matures. D’une part, des systèmes d'arrosage par la canopée à l'aide de gicleurs permettaient de simuler adéquatement l'apport futur en azote supplémentaire des pluies. D’autre part, des câbles chauffants, élevant la température du sol de 4 degrés, disposés dans le sol autours du système racinaire d'arbres traités, simulaient le réchauffement climatique. Ces dispositifs ont permis diverses configurations (arbres chauffés uniquement; chauffés et arrosés; arrosés seulement et témoins). Des gicleurs reproduisant une pluie enrichie en azote marqué (15N) ont permis de déterminer dans quelle partie de l’arbre cet azote supplémentaire se localisait et s'il pouvait contribuer à la formation de bois.
Pour suivre les effets de ces traitements sur la croissance des arbres, des méthodes novatrices ont été utilisées. La première consiste à mesurer le développement cellulaire du cerne de croissance. Des microéchantillons du cerne de croissance prélevés une fois par semaine pendant la saison de croissance ont permis de définir la phénologie de développement et de comparer la production cellulaire des arbres traités et non traités. La deuxième méthode, basée sur des dendromètres électroniques, a permis de mesurer les variations radiales des troncs à une fréquence de 5 minutes.
Globalement, après huit ans d'arrosage et de chauffage des sols, les épinettes n'ont pas montré de différence significative en ce qui concerne le nombre, ou les autres paramètres cellulaires mesurés, comme l'épaisseur des parois cellulaires ou la grosseur des cellules. Contrairement à ce qui était anticipé, la croissance de l'épinette noire n'a pas augmenté significativement par rapport aux témoins. Après trois ans de mesure, la croissance des épinettes situés dans le site plus froid, débutait plus tôt et une tendance vers l'augmentation du nombre de cellules produites semblait se dessiner. Cependant, cette tendance ne s'est pas maintenue au cours des cinq années suivantes. Également, même si l'éclosion des bourgeons s'est produite plus tôt dans le site le plus froid, cet effet s'est estompé avec le temps. L'épinette noire, qui est une espèce très conservatrice, montre que les arbres matures présentent une grande résistance à la réaction face à différents traitements. Les sols chauffés ont affecté la proportion d'ectomycorhizes et le nombre d'apex racinaires uniquement dans le site le plus froid; aucune différence n'a été observée dans l'autre dispositif. Cependant, il serait utile d’étudier l'ajout d'azote selon sa dispersion dans l'écosystème (ajout par la canopée au lieu du sol). L'analyse des microcarottes du bois permettra de voir si cet azote peut contribuer de façon significative à la construction des cellules du bois et éventuellement augmenter la croissance.
Figure 1 : Phases phénologiques de la différenciation du xylème, durée et nombre total des cellules matures de la xylogenèse dans les arbres C (témoin), H (chauffé), N (azote), et HN (chauffés et azotés) dans les zones BER et SIM au cours de la période 2008-2013.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Ces travaux montrent que l'espèce la plus répandue et exploitée dans la forêt boréale de l'Est du Canada, pour ses qualités exceptionnelles, présente une résistance surprenante à des traitements simulant un réchauffement climatique à moyen terme (8 ans). Même si ce dispositif ne reproduit pas parfaitement un réchauffement climatique, il permet de conclure que l'épinette noire ne réagira pas de manière spontanée et drastique à un réchauffement régional, et que la croissance ne devrait pas augmenter de façon rapide dans les prochaines décennies.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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AbiBow Canada inc
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Consortium de recherche sur la forêt boréale commerciale
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Hydro-Québec
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MFFP
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Produits Forestiers Résolu
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Université McGill
Projets connexes
530011