Intégration des changements climatiques et développement de la capacité d’adaptation dans la détermination des niveaux de récolte au Québec
Ce projet a permis de démontrer qu’il est possible de modéliser les différentes interactions des évènements climatiques futurs avec l’aménagement forestier à l’échelle régionale. En plus d’identifier certains risques pour la forêt du Saguenay–Lac-Saint-Jean, certaines modalités d’adaptation potentielles ont pu être identifiées et testées.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Les changements climatiques transforment les écosystèmes forestiers en modifiant leur productivité, leur composition et leur structure. La prise en compte de ces changements est d’actualité dans la gestion du patrimoine forestier et fait partie des dispositions légales de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier du Québec. En effet, il devient essentiel d’appréhender les risques associés aux changements climatiques et de comprendre comment les stratégies d’aménagement forestier appliquées aujourd’hui pourront influencer la forêt de demain.
Au Québec, la mission principale du Forestier en chef est de déterminer les possibilités forestières. Pour ce faire, il modélise l’évolution de la forêt sur un horizon de 150 ans en fonction d’hypothèses basées sur des conditions environnementales stables dérivées de données historiques. Actuellement, dans le cadre de la détermination des possibilités forestières, les risques associés aux changements climatiques sur l’évolution de la mosaïque forestière ne sont pas pris en compte, faute de connaissances et d’une méthodologie compatible avec le calcul des possibilités forestières.
Objectif(s)
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Entreprendre le processus d’intégration des mesures d’adaptation aux changements climatiques dans le processus de détermination des possibilités forestières;
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Développer une approche qui permettra une meilleure prise de décision en regard de la pérennité de la ressource forestière et dans le choix des stratégies d’aménagement forestier les plus appropriées face aux risques appréhendés;
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Répondre aux exigences de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier et à guider les choix stratégiques d’aujourd’hui qui permettent d’assurer la pérennité de la forêt et d’une industrie forestière résiliente dans les conditions futures.
Méthodologie
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Développement d'une modélisation régionale intégrant les effets des changements climatiques;
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Modélisation de l’effet de l’aménagement et des perturbations naturelles;
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Développement et test des modalités d’adaptation et communication des résultats en soutien à la prise de décision.
La démarche entreprise dans le contexte de ce projet ne vise pas à remplacer le calcul des possibilités forestières. Il s’agit plutôt d’un processus complémentaire qui est évalué indépendamment et qui vise à informer les décideurs sur les risques associés aux différents scénarios climatiques.
Résultats
Pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, étant donné les suppositions du modèle, les résultats suggèrent que la forêt de demain sera différente de celle d’aujourd’hui. Des cycles de feu plus courts sont à prévoir et pourraient engendrer une importante perte de superficie forestière productive. Bien que certains gains en croissance des essences résineuses et feuillues soient attendus, ces derniers ne permettront pas de compenser l’effet des feux sur les possibilités forestières à long terme, d’où la nécessité de développer des modalités d’adaptation performantes.
Figure 1. Probabilités d'initiation des feux dans le paysage
À la lumière des résultats présentés, il est possible de croire que la structure ainsi que la dynamique de la forêt seront appelées à changer sous changements climatiques et des adaptations dans les pratiques forestières seront à prévoir. Par exemple, un enrichissement de la composition forestière en feuillus permettrait de diminuer l’inflammabilité de la forêt, mais aurait pour conséquence d’inverser les proportions résineuse et feuillue de la matrice forestière, ce qui demanderait une adaptation importante par l’industrie forestière qui n’aurait plus accès à son approvisionnement habituel. De plus, la lutte terrestre aux feux de forêt et la récupération à grande échelle des bois brûlés reposent sur le maintien d’un accès constant à la forêt par un réseau routier développé adéquatement. Il n’est toutefois pas souhaité dans le cadre de la protection de l’habitat du caribou forestier.
Dans un tel contexte, le maintien de la stratégie d’aménagement actuelle sous changements climatiques risque de mener à des conditions forestières inacceptables quant à la pérennité de la ressource forestière. Bien que les résultats de certaines modalités d'adaptation, telles que l'intensification de l’aménagement et l'enrichissement en feuillus, démontrent qu’il est possible d’atténuer les impacts des changements climatiques, des actions doivent être entreprises aujourd’hui pour s’assurer que la forêt du futur soit à la hauteur des attentes de la collectivité. Il faut donc définir de façon collaborative une vision pour la forêt de demain et agir en conséquence rapidement.
Figure 2. Valeurs moyennes des modificateurs de volume marchand (pondérées par la superficie) au cours des 150 ans de simulation du scénario statu quo sous (a) RCP 4.5 et (b) RCP 8.5 pour le volume résineux (en vert) et feuillu (en orange). La ligne pointillée est la valeur du modificateur (égale à 1) sous climat historique.
En parallèle, il sera nécessaire d’approfondir les connaissances sur les impacts des changements climatiques et de les intégrer à la modélisation pour avoir un portrait plus clair du futur. Le rôle que pourra jouer la migration assistée dans un contexte d’adaptation devra être approfondi et testé sur le terrain. L’effet de traitements sylvicoles existants et novateurs sous changements climatiques devra aussi l’être. La forêt feuillue, avec ses dynamiques et ses traitements sylvicoles propres, devra être intégrée au processus. L’effet du contexte spatial sur l’initiation et la propagation des feux devra être mieux compris et intégré à la modélisation. L’incertitude liée à la stochasticité des perturbations naturelles et anthropiques et l’aspect multi décideurs devront aussi être intégrés au processus décisionnel.
Finalement, les résultats soulignent l’importance de maintenir les efforts pour atténuer les émissions de gaz à effet de serre, car les résultats des simulations sous le scénario RCP 8.5 laissent présager une situation difficilement soutenable pour la forêt et l’ensemble des services écosystémiques qu’elle fournit, dont le stockage du carbone. En effet, des pertes importantes de superficie forestière productive, telles que suggérées par les résultats, permettent d’anticiper une capacité de stockage amoindrie.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
L’approche développée permet d’éclairer les décideurs grâce au processus d’aide à la décision qui permet de synthétiser les résultats du modèle.
Le Forestier en chef recommande la mise en commun des efforts de recherche et de développement entre les différents acteurs et chercheurs du milieu, autant au sein du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs qu’à l’externe pour permettre la recherche de solutions novatrices afin d’adapter la forêt, le milieu forestier et les pratiques forestières aux changements climatiques.
Cette mise en commun pourrait permettre de sauver du temps quant à la mise en oeuvre de nouvelles stratégies, mais aussi permettre des économies si les efforts de recherche sont bien coordonnés. Le Forestier en chef continuera l’intégration de ces nouvelles connaissances dans ses travaux.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Direction de la recherche forestière, MFFP
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Centre de foresterie des Laurentides
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Unité de gestion St-Félicien, MFFP
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Unité de gestion Alma, MFFP
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Université du Nouveau-Brunswick
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Université du Québec à Rimouski
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Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue