Le droit de l’eau : gestion des conflits d’usage causés par la variabilité hydrologique
Le projet a permis d’identifier des mécanismes juridiques concrets face à des variations hydrologiques exceptionnelles ainsi que leurs avantages et limites dans un contexte de changements climatiques. Cette première analyse permet de mieux circonscrire les enjeux et orienter la recherche sur ces sujets.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
La variabilité hydrologique réfère à des changements dans le régime hydrique, de jour en jour ou de saison en saison, de même qu'à des fluctuations interannuelles ou décennales. Elle peut survenir suite à des évènements météorologiques fréquents ou rares. Au Québec, elle se manifeste surtout sous forme d'inondations et de périodes de sècheresse. Souvent imprévisible, elle oblige à composer avec des incertitudes importantes.
Le réchauffement planétaire affecte les variations climatiques de même que les évènements météorologiques extrêmes, et augmentent donc les incertitudes liées aux projections hydrologiques. Cela dit, la variabilité hydrologique induit une problématique pour le système juridique québécois qui a des règles spécifiques quant à la gestion et l’utilisation de l’eau.
Ce projet cherche donc à identifier certaines contraintes inhérentes que le droit impose à la gestion des ressources hydriques ainsi qu’à l’adaptation aux changements climatiques dans un contexte de fluctuations des régimes hydriques.
Objectif(s)
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Établir une définition générale du phénomène de variabilité hydrologique pour servir de base dans le contexte d’une étude juridique;
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Identifier le droit applicable aux phénomènes liés à la variabilité hydrologique;
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Analyser le droit en vigueur pour gérer la variabilité hydrologique;
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Identifier les mécanismes de gestion des conflits d’usage.
Démarche
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Sur la base d'une revue de la littérature, tracer un portait général de la variabilité hydrologique qui en souligne les caractéristiques pertinentes dans le cadre d’une étude juridique;
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Recherche des sources de droit positif (l'ensemble des règles juridiques en vigueur) au Québec, analyse des lois, des règlements de la jurisprudence, de la doctrine et des documents administratifs produits par les autorités gouvernementales;
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Comparaison des caractéristiques de la variabilité hydrologique aux caractéristiques du cadre juridique applicable et étude des mécanismes constitutifs du droit pour établir ses limites en tant que cadre normatif des variations hydrologiques.
Résultats
Plusieurs constats se dégagent de l’étude des mécanismes de gestion des conflits d’usages en lien avec les ressources en eau dans un contexte de variabilité hydrologique.
Tout d’abord, la variabilité hydrologique cause des dommages à autrui et les recours disponibles devant les tribunaux sont alors surtout du droit général tels qu’une servitude d’écoulement (les propriétaires ont le devoir de laisser couler les eaux, sans aggraver de leur fait la servitude), des inconvénients anormaux du voisinage, un recours en épuisement, un fait autonome du bien, etc.
Ces recours, de manière générale, ont une portée curative (corriger, rétablir une situation). Ils interviennent après que le dommage ait eu lieu. Parmi eux, seul le recours en épuisement peut être utilisé de manière préventive. Dans un cas de fait autonome du bien, les efforts consacrés pour prévenir le fait générateur de dommages (par exemple, une inondation) peuvent aussi être utilisés par le gardien du bien (celui qui a un pouvoir de contrôle et de direction sur le bien et, par conséquent, la possibilité d’empêcher qu’un préjudice ne se produise à cause du bien) pour prouver qu’il n’a commis aucune faute.
Ces recours n’ayant pas une portée punitive, ils ne sont pas toujours suffisants pour inciter à prendre des mesures limitant les conséquences de la variabilité hydrologique sur d’autres. Ces outils visent des ensembles de situations génériques qui ne tiennent pas compte explicitement de la variabilité hydrologique. Cette lacune en fait des outils de gestion imprécis. Il importe néanmoins de garder ces outils imprécis parce que le droit statutaire ne pourra jamais prévoir tous les événements possibles, surtout dans un contexte où la variabilité hydrologique évolue et devient moins prévisible à cause des changements climatiques.
L’ampleur de l’instabilité dépendrait en partie de la familiarité de la communauté juridique à l’égard des sciences hydrologiques et de la fréquence des litiges liés aux variations des régimes hydriques. Par contre, il devrait avoir un droit statutaire (des lois spécifiques) aussi précis que possible afin de marginaliser les recours devant les tribunaux. Il y a donc deux solitudes.
Tout d’abord, le système juridique peut être difficile à comprendre pour les non-juristes et ensuite, les juristes ont peu de connaissances scientifiques sur la variabilité hydrologique. Le système laisse au juge une certaine latitude d’appréciation, par exemple, dans l’utilisation des critères légaux de «troubles normaux» ou de «personne raisonnable», des critères qui évolueraient peut-être différemment pour des scientifiques qui ont une meilleure connaissance de la variabilité hydrologique.
De plus, lors d’une situation de force majeure, l’approche utilisée par les tribunaux reste plus historique que scientifique.
Finalement, les recours judiciaires doivent être considérés dans l’ensemble du cadre juridique relatif à la gestion de l’eau afin d’offrir une perspective appropriée sur le rôle qu’ils jouent, les limites qu’ils imposent à la prise en compte de la variabilité hydrologique, et les possibilités de réformes dont ils pourraient faire l’objet. En amont des recours, le droit statutaire gère la plupart des aspects relatifs aux conflits d’usages par des mesures préventives destinées à éviter les situations les plus problématiques.
Retombées pour l'adaptation
Le projet a permis d’identifier des mécanismes juridiques concrets face à des variations hydrologiques exceptionnelles ainsi que leurs avantages et limites dans un contexte de changements climatiques. Cette première analyse permet de mieux circonscrire les enjeux et orienter la recherche sur ces sujets.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Direction de l’expertise hydrique du Québec
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Fondation du Barreau du Québec
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Hydro-Québec
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Ministère du développement durable, de l’environnement et de la lutte aux changements climatiques