Les expérimentations de gouvernance de l’adaptation aux changements climatiques: terrains d’apprentissage de l’adaptation

De plus en plus, les habitants des espaces urbains du Québec, comme ailleurs, affichent leur volonté d’agir sans attendre pour améliorer leur cadre de vie et pour certains, agir pour s'adapter aux changements climatiques. Des initiatives disséminées et plus ou moins subtiles selon les cas, portées par des citoyens, des organismes communautaires ou des acteurs publics, prennent forme dans le paysage des villes.

Ces initiatives, qui visent la création d’espaces plus agréables, plus sains et plus respectueux de la nature, constituent des formes d’expérimentations locales. Débordant ce qui est autorisé par les les cadres réglementaires municipaux, les expérimentateurs valorisent l’apprentissage par essais erreurs, plutôt que l’inertie. Consciemment ou non, ils participent ainsi à l’adaptation du milieu local aux changements climatiques. Que sont les expérimentations ainsi mises en oeuvre et comment complètent-elles les initiatives municipales ?

• Étudier certaines expérimentations d’adaptation locale aux changements climatiques afin notamment de saisir les obstacles à la mise en oeuvre et les leviers d’adaptation valorisés par les expérimentations;

• Identifier les répercussions des expérimentations sur le milieu local et sur les apprentissages institutionnels à différentes échelles et les communiquer aux parties concernées.

• Sélection de six expérimentations locales en lien avec le verdissement urbain et la gestion des inondations;

• Analyse documentaire des expérimentations, puis analyse de site et entretiens semi-directifs afin d’étudier l’ensemble des paramètres importants (ressources, outils favorables au développement des projets, obstacles à l’adaptation locale, solutions et démarches préconisées, etc.);

• Analyse et comparaison des cas entre eux pour mettre en lumière les éléments de contexte, les convergences et les divergences entre ces contextes et entre les expérimentations;

• Comparaison des cas d’étude avec d’autres cas d’étude, ayant fait l’objet de publications officielles ou scientifiques.

Six cas d'étude ont été sélectionnés pour tester le concept d'expérimentation locale d'adaptation: deux initiatives citoyennes de verdissement dans le quartier Saint-Roch à Québec, les projets d’agriculture urbaine de l’organisme Les Urbainculteurs, le projet pilote de réfection et verdissement de la rue Anna à Québec et le Comité Rivière à Saint-Raymond. Une expérimentation locale d’adaptation est une initiative ad hoc, au caractère transitionnel et adaptatif.

Pour chacune de ses caractéristiques, on compte également des indicateurs. Le programme de crédit d’impôt pour la réduction des eaux de ruissellement de la Ville de Kitchener en Ontario, qui ne correspond pas exactement à la définition d’expérimentation retenue ici, est utilisé comme élément de référence.

Figure 1: Illustration des conditions nécessaires (*) et suffisantes (+) pour l'identification d'une expérimentation locale d'adaptation.

Les expérimentations locales témoignent, par leur caractère ad hoc, transitoire et adaptatif, des formes contemporaines de la gouvernance urbaine. Cette dernière tend à l’hybridation à plusieurs égards: le partage de la responsabilité et de l’intervention est à la fois formel et informel, entre le secteur public et les propriétaires privés, entre les citoyens et les groupes, etc.

La figure 1 montre que l’initiative des Urbainculteurs forme bien, selon les critères établis précédemment, une expérimentation locale d’adaptation aux changements climatiques. Ces caractérisations ont ensuite permis de s'interroger sur les conditions qui rendent possible l'émergence de ces expérimentations.

L'analyse des six cas d’étude selon les trois dimensions constitutives de l’expérimentation locale d’adaptation identifiées montre qu’une expérimentation peut être plus ou moins expérimentale. Dans certains cas, elle peut rester à proximité des « sentiers battus », des manières traditionnelles de faire et prendre la voie de la programmation institutionnelle (exemple de la rue Anna). Dans d’autres cas, elle peut plutôt tenter une approche novatrice, explorant des options d’aménagement alternatives (initiatives Bien Vivre à Saint-Roch et Verdir et Divertir).

Les expérimentations sont initiées par des individus ou des petits groupes d’individus, qui appuient leur action sur leurs connaissances, leurs compétences et leurs réseaux respectifs. Ces derniers proposent des modèles alternatifs d’intervention et se voient comme des collaborateurs plutôt que des contestataires des décideurs.

Les initiatives considérées dans la recherche comme des expérimentations locales d’adaptation indiquent un besoin des acteurs locaux et régionaux de sortir des cadres d’action institutionnels. Ces derniers apparaissent rigides et contraignants pour agir de manière spontanée.

Les expérimentations facilitent la création de liens de collaboration entre élus, professionnels municipaux, résidants, groupes et entreprises. Elles favorisent leur reconnaissance mutuelle comme interlocuteurs valables sur les questions d’aménagement et de développement local. Elles permettent d’explorer les modes d’adaptation du cadre bâti aux changements climatiques à l’échelle locale.

Toutefois, elles ont des effets assez peu perceptibles en termes d’adaptation du milieu physique au-delà du cadre micro-local ou local. Elles doivent être envisagées comme des compléments de l’action municipale ou projets de démonstration pour celle-ci, pouvant servir ainsi de tremplin à des projets des plus grandes envergures et plus institutionnalisés (comme des projets pilotes par exemple).

Regroupement des Organismes de Bassins-Versants du Québec (ROBVQ)