Modélisation hydrologique avec bilan énergétique (EVAP-1)
À court terme, l'amélioration de la modélisation de l'évapotranspiration dans les modèles hydrologiques permettra aux producteurs d'hydroélectricité de mieux gérer le niveau d'eau des réservoirs et ainsi optimiser la production des centrales.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
L’évapotranspiration connecte les cycles de l’eau et d’énergie et constitue une variable clé de la modélisation hydrologique. Traditionnellement, les modèles hydrologiques font appel au concept agronomique d’évapotranspiration potentielle et n'imposent pas de contrainte de conservation d'énergie à la surface terrestre.
Or, il a été démontré que cela constitue un point faible qui limite l’application des modèles hydrologiques en climat contrasté. De ce fait, les hydrologues se trouvent devant la nécessité d’adopter des méthodes plus physiques pour modéliser l’évapotranspiration, notamment celles qui considèrent le bilan d’énergie à la surface terrestre.
Le développement de nouveaux modules d’évapotranspiration et leur implémentation dans des modèles hydrologiques nécessite une meilleure compréhension des échanges d’eau et d’énergie à travers l’interface sol-atmosphère-végétation. Les observations de flux de surface, acquises par des instruments de pointe, sont essentielles au développement et à la validation de nouvelles formulations de l’évapotranspiration.
Le projet EVAP combine à la fois les éléments expérimentaux et de modélisation afin d’améliorer le traitement de l’évapotranspiration dans les modèles hydrologiques.
Photo : D. Nadeau
Objectif(s)
Améliorer la modélisation de l’évapotranspiration au sein de modèles hydrologiques utilisés de manière opérationnelle afin d’évaluer l’impact des changements climatiques sur le régime hydrique des cours d’eau.
Méthodologie
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Mesure et analyse des bilans d’eau et d’énergie (covariance des tourbillons) et de l’évolution de la couverture de neige d’un bassin versant forestier en milieu boréal humide ;
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Validation des modèles de surface CLASS (Canadian LAnd Surface Scheme) et SVS (Soil-Vegetation-Snow) pour des climats diversifiés et évaluation des effets du forçage ;
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Exploration et généralisation d’un modèle de partitionnement du rayonnement net à la surface reposant sur le principe de la production maximale d'entropie (MEP) ;
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Observation de la sous-captation des précipitations solides en milieu ouvert pour une variété de jauges et de paravents ;
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Exploration du routage des écoulement latéraux de modèles de surface ;
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Correction du biais des séries hydrométéorologiques nécessaires au pilotage de modèles de surface.
Résultats
Ce projet a permis d’étudier en profondeur l’évolution d’un ensemble des variables hydro-climatiques afin de mieux comprendre le transfert d’énergie et d’eau à travers l’interface sol-végétation-atmosphère au sein duquel l’évapotranspiration joue un rôle important. Une vaste base de données hydro-climatiques provenant d’une multitude de sites à travers le monde (y compris des sites nordiques) a été colligée permettant de quantifier les cycles de l’eau et d’énergie dans des conditions climatiques diversifiées. Ces données se sont avérées très utiles pour la validation des modèles.
Dans un premier temps, une attention particulière a été accordée à l’installation d’équipements pour la mesure des bilans d’eau et d’énergie d’un bassin versant forestier en milieu boréal humide : le bassin versant expérimental du ruisseau des Eaux volées (BEREV) à la forêt Montmorency (FM). Ce site accueille depuis de l’équipement micrométéorologique et hydrométéorologique de pointe, tels que anémomètres ultrasoniques tridimensionnels, hygromètres, radiomètres, capteurs de flux de sève, piézomètres, stations de jaugeage, etc. (fig. 1).
Figure 1: équipement micrométéorologique et hydrométéorologue à la forêt
Ces observations hydrométéorologiques collectées pendant plusieurs années ont permis de mieux comprendre le régime hydrologique des forêts boréales humides. La figure 2 (Isabelle et al. 2020) présente les courbes cumulatives des composantes du bilan hydrique du BEREV pour deux années hydrologiques.
Figure 2: les courbes cumulatives des composantes du bilan hydrique du BEREV au cours des deux années hydrologiques 2016-2017 et 2017-2018 (Isabelle et al., 2020).
Les données hydro-climatiques démontrent que plus de 60 % de la précipitation quitte ce bassin par son réseau hydrographique, ce qui est deux fois plus que la moyenne mondiale. Cela explique pourquoi tant de régions du Canada bénéficient d'un accès abondant en eau. La majorité de l’évapotranspiration se produit de juin à septembre : 67 % et 61 % pour les années hydrologiques 2016-2017 et 2017-2018, respectivement. Il faut aussi noter que 12 à 16 % du transfert annuel de vapeur vers l’atmosphère se fait par sublimation lorsque la température de l'air est inférieure à 0 °C.
Le projet EVAP a également permis de peaufiner nos connaissances sur la modélisation de l'évapotranspiration et des autres flux de surface terrestres. Deux approches de modélisation reposant sur la conservation de l’énergie à la surface terrestre ont été explorées:une approche purement physique ayant recours à des modèles de surface météorologiques et l'approche par production maximale d'entropie (MEP), basée sur la théorie des probabilités bayésiennes et la thermodynamique hors-équilibre.
La figure 3 compare les flux de chaleur latente et sensible simulés par le modèle de surface CLASS et par le modèle MEP. Dans un premier temps, les simulations ont été faites pour des sites caractérisés par l’absence de neige tout au long de l’année, pour une variété d’écosystèmes et les deux modèles CLASS et MEP se sont avérés très prometteurs (Hajji et al. 2018, Alves et al. 2019, 2020). Les modèles de surface CLASS et SVS ont aussi été comparés (Leonardini et al. 2020). Parallèlement, un couplage efficace des différents modules du modèle MEP a été développé pour combiner de manière juste et continue les trois modèles MEP existants, chacun spécialisé pour une surface spécifique: sol nu, végétation et neige (Hajji et al. 2018). L’étude a ensuite été étendue à des sites neigeux, en incluant le processus de sublimation.
Figure 3: les flux de chaleur latente et sensible tels que simulés par CLASS et MEP pour une variété d’écosystèmes (Alves et al., 2019)
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
À court terme, l'amélioration de la modélisation de l'évapotranspiration dans les modèles hydrologiques permettra aux producteurs d'hydroélectricité de mieux gérer le niveau d'eau des réservoirs et ainsi optimiser la production des centrales.
À plus long terme, les résultats permettront d'analyser l'impact des changements climatiques sur les apports en eau aux réservoirs et sur la conception future d'autres ouvrages hydrauliques.
Les gestionnaires des cours d’eau du Québec bénéficieront aussi de ces améliorations, de même que les nombreux organismes qui se préoccupent de la vulnérabilité des populations en lien avec les multiples bouleversements hydrologiques.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Ministère de l’Environnement et de la Lutte aux Changements Climatiques (MELCC)
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Environnement et Changement climatique Canada (ECCC)
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Hydro-Québec