Évaluer la performance et l'unicité des simulations hydrologiques produites par un ensemble climatique hétérogène et recommander une pondération de cet ensemble pour les besoins du projet INFO-Crue
Ce projet a permis l'avancement de notre compréhension de la façon dont les simulations hydrologiques dans ce type d’ensemble doivent être combinées afin de maximiser l’information contenue dans ces projections.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Afin de projeter l’évolution des crues dans un contexte de changements climatiques, la Direction principale des prévisions hydriques et de la cartographie (DPPHC) a produit un ensemble de 1080 simulations hydrologiques couvrant la période 1955-2100 sur environ 28 000 tronçons de rivières du Québec méridional à l’aide du modèle HYDROTEL.
Ces projections hydroloclimatiques diffèrent par leurs données de pilotage, qui proviennent d’une grande variété de modèles climatiques des ensembles CMIP5, CORDEX et ClimEx, et par les paramètres utilisés dans le modèle hydrologique lui-même. Un ensemble de cette taille est essentiel pour évaluer adéquatement les changements prévus aux crues extrêmes. Toutefois, comme il s’agit d’un ensemble hautement hétérogène, il ne peut pas être analysé sans prendre en compte les aspects de performance et d’interdépendance des données climatiques utilisées et des résultats obtenus. Ainsi, ce projet de recherche explore des alternatives à la méthodologie « un modèle, un vote », souvent utilisée en réponse à ces enjeux.
Objectif(s)
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Explorer les différents cadres d’analyse permettant de construire des schémas de pondération pour l’ensemble de simulations hydroclimatiques INFO-Crue.
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Évaluer la performance et le niveau de duplication de l’information contenue dans l’ensemble de simulations hydroclimatiques.
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Fournir à la DPPHC une recommandation quant à la pondération à appliquer aux scénarios hydroclimatiques.
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Explorer la production de projections futures par degrés de réchauffement, plutôt que par l’approche classique des horizons temporels.
Ce projet s'inscrit dans l'initiative INFO-Crue mise sur pied par le MELCCFP.
Méthodologie
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Acquisition des indicateurs hydrologiques produits par les différentes versions d’HYDROTEL pour l’Atlas hydroclimatique du Québec méridional 2022, ainsi que les indicateurs équivalents provenant du Portrait hydrologique.
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Évaluation de la performance des simulations pour chaque tronçon et chaque indicateur hydrologique d’intérêt.
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Construction d’une généalogie des modèles climatiques utilisés dans INFO-Crue.
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Quantification de l’indépendance et de la valeur ajoutée de ces différents.
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Évaluation de la valeur ajoutée des schémas de pondération complexes par rapport aux alternatives plus simples et fréquemment utilisées dans la pratique.
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Calcul de certains indicateurs hydrologiques d’intérêt pour les horizons correspondant au moment où les simulations atteignent +1.5, +2, +3 et +4°C par rapport à la période industrielle.
• Comparaison des projections par degrés de réchauffement aux projections classiques par horizons temporels.
Résultats
Un cadre d’analyse a été établi afin d’évaluer la performance des simulations hydroclimatiques utilisées pour INFO-Crue en période historique, ainsi que le niveau d’indépendance de leur signal de changements climatiques. Les résultats sont largement en accord avec les conclusions de plusieurs autres études. En effet, il demeure difficile, voire impossible, d’appliquer une « calibration » unique et universelle. Dans le cas spécifique des scénarios hydroclimatiques d’INFO-Crue et des analyses effectuées dans ce projet, cela signifie que pour tout tronçon ou tout indicateur où certaines conclusions peuvent être tirées, il existe d’autres tronçons, indicateurs ou horizons temporels où ces conclusions ne tiennent pas.
Ainsi, en termes de performance des simulations hydroclimatiques, il est difficile de brosser un portrait général de la distribution des biais, car ceux-ci varient largement en fonction de l’indicateur hydrologique évalué et de la localisation des tronçons. Une conclusion intéressante est que la répartition des biais entre les ensembles CMIP5, CORDEX et ClimEx change substantiellement en fonction de la plateforme HYDROTEL évaluée. Même pour les plus petits bassins versants ou pour les indicateurs d’extrêmes, les modèles régionaux ne se démarquent pas systématiquement des modèles globaux. Leur performance semble dépendre, entre autres, des paramètres du modèle hydrologique.
Les conclusions sont d’une complexité équivalente pour le niveau d’indépendance des simulations. Par exemple, une analyse par composantes principales a démontré que les modèles multi-membres tel que ClimEx apportent une information unique et une valeur ajoutée pour les indicateurs extrêmes comme le débit de récurrence 100 ans. Toutefois, cette unicité décroit rapidement pour les indicateurs moins extrêmes, pour les horizons temporels plus lointains ou pour les plus grandes rivières.
Pour les fins d’INFO-Crue, dont le but est d’appuyer la cartographie des zones inondables à l’échelle du Québec méridional, il a donc été décidé de :
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Garder toutes les simulations puisqu’il a été démontré qu’aucune n’a de mauvaise performance pour l’ensemble des indicateurs ou des tronçons de rivières.
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Explorer les schémas de pondération plus simples, pouvant être appliqués à l’ensemble du territoire de manière uniforme.
Par conséquent, plusieurs versions de la méthodologie « un modèle, un vote » ont été développées (Tableau 1) et comparées afin d’évaluer la sensibilité des projections hydroclimatiques face au schéma de pondération. Les analyses effectuées dans le cadre du projet ont démontré que les résultats sont robustes, peu importe le schéma utilisé, notamment en raison du nombre très élevé de simulations hydroclimatiques.
Tableau 1
La Figure 1 illustre pour sa part la faible différence entre les différents schémas explorés pour les crues été-automne sur une récurrence 20 ans. Ainsi, l’emphase ne devrait pas être mise sur l’identification d’un schéma universel parfait (celui-ci n’existe pas), mais sur une meilleure compréhension de l’impact associé à cette source d’incertitude en comparant ou en combinant les résultats obtenus selon différentes hypothèses.
Figure 1 : Ampleur (50e percentile) des changements attendus pour les crues été-automne (Q1MAXEA) à l’horizon 2071-2100 selon un schéma de pondération simple (R-NOM). Les autres panneaux illustrent la différence (% absolus) entre les autres schémas et R-NOM.
Pour tous les indicateurs explorés, même ceux liés aux extrêmes très rares, l’approche par degrés de réchauffement apporte un message beaucoup plus clair, facile à décrire et à comprendre. Par exemple, la Figure 2 illustre le consensus des modèles sur la direction du changement pour la crue maximale annuelle de récurrence 100 ans. Par l’approche classique, il peut être difficile d’expliquer les changements de manière simple. En effet, il existe un désaccord entre les scénarios RCP4.5 et 8.5.
Figure 2 : Consensus des modèles sur la direction des changements attendus pour les crues maximales annuelles (Q1MAXAN) selon (haut) l’approche par horizons temporels et (bas) l’approche par degrés de réchauffement.
Que ce soit en milieu ou en fin de siècle, le RCP8.5 indique une augmentation probable des crues sur un territoire beaucoup plus grand que le RCP4.5. De ce fait, l’approche par degrés de réchauffement est non seulement plus simple à décrire, avec une progression des tronçons « bleus » de la Gaspésie au nord du Québec d’une figure à l’autre, mais permet également d’expliquer la complexité de l’approche par horizons. Effectivement, le RCP8.5 est déjà plus chaud à l’horizon 2041-2070 que le RCP4.5 en fin de siècle, d’où le nombre plus grand de tronçons « bleus ». Cette simplicité s’explique, entre autres, par le fait que cette approche permet de contourner certaines sources d’incertitudes, dont celle liée aux scénarios d’émissions de gaz à effet de serre.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Le projet a permis de faire avancer notre compréhension de la façon dont les simulations doivent être combinées afin de maximiser l’information contenue dans les ensembles hautement hétérogènes.
Les recommandations fournies aux ingénieurs de la DPPHC ont aidé à la production de l’édition 2022 de l’Atlas hydroclimatique du Québec méridional.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Louis-Philippe Caron, Ouranos
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Charles Malenfant, MELCCFP
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Simon Lachance-Cloutier, MELCCFP
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