Performances des infrastructures vertes de gestion des eaux pluviales (IVGEP)

Dans un contexte où les infrastructures urbaines sont vieillissantes, où la population urbaine est toujours croissante et où le climat évolue, les villes doivent s’adapter et disposer d’indicateurs de performance des mesures d’adaptation à leur disposition. Les réseaux de collecte (eaux usées et pluviales) sont très vulnérables aux changements climatiques et il sera important de réduire les quantités d'eau qui leur sont acheminées puis déversées vers les cours d'eau par un meilleur contrôle à la source des eaux de ruissellement.

Les infrastructures vertes de gestion des eaux pluviales (IVGEP), telles que les zones de biorétention, les marais filtrants ou les toits verts, permettent de retenir ces eaux de ruissellement. Elles contribuent aussi à traiter les eaux pluviales. Les IVGEP contribuent aussi à réduire les îlots de chaleur par la végétalisation et la rétention de l’eau et augmentent la biodiversité en milieu urbain. Elles fournissent aussi un ensemble d’autres bénéfices secondaires esthétiques et sociaux.

Quantifier les performances en climat actuel et en climat futur d’IVGEP (débits de pointe, volumes, infiltration et paramètres de qualité de l’eau) afin d'améliorer le processus d’implantation et le design de futures IVGEP.

• Participation à la caractérisation du site avant l'implantation des zones de biorétention, à la conception et à l’élaboration de scénarios d’implantation ;

• Essais de certaines configurations et choix de végétaux adaptés aux problèmes d’intérêt pour la ville et aux particularités climatiques actuelles et futures ;

• Collecte des données de terrain sur la performance d’IVGEP en climat actuel à l’échelle du dispositif et du bassin de drainage (débits de pointe, des volumes, de l’infiltration et de paramètres de qualité de l’eau) ;

• Évaluation des performances des IVGEP en climat futur par la modélisation du secteur étudié grâce aux données terrain sur les quantités et la qualité des eaux ;

• Amélioration du processus d’implantation et de design de futures IVGEP.

Cinquante-quatre biorétentions (BR) avec infiltration complète ont été implantées dans une rue résidentielle de Trois-Rivières (Québec, Canada). Quatre espèces végétales (Iris versicolor, Cornus sericea ‘Arctic fire’ et Sesleria autumnalis et Juncus effusus), ont été suivies dans 8 biorétentions (BR-1 à BR-8) contenant un substrat soit commercial soit local. Les plantations ont été achevées fin juillet 2018 et le suivi des végétaux, à l'été 2021. Un suivi hydrologique, de qualité de l’eau et de la nappe phréatique a été effectué dans la BR-4 en 2019, 2020 et 2021.

Figure 1. Description des composantes des biorétentions et leur positionnement le long de la rue Saint-Maurice

Suivi expérimental hydrologique et de qualité de l’eau

À échelle locale, les BR peuvent contribuer à réduire les débits de pointes observés dans les conduites d’égout pluvial de la Ville. Dans ce projet, les biorétentions ont été en mesure de gérer complètement les eaux pluviales même lors de pluies intenses. Durant les visites terrain, aucune accumulation d’eau n’a été observée dans les biorétentions. Cette "surperformance", due à la conception des BR, notamment leur surdimensionnement (25% de la surface drainée plutôt que le 5-10% recommandé), au fait qu’une partie de l’eau de ruissèlement n’entrait pas dans le puisard de trottoir et à un captage d'eau de la nappe phréatique, a entraîné certains problèmes de suivi.

Bien qu’une amélioration générale de la qualité des eaux de ruissellement ait été observée à l’exutoire pour la plupart des contaminants, les résultats montrent qu’un important relargage d’azote accompagné de concentrations importantes à l’exutoire peuvent être observées, principalement lors du dégel. Les performances d’enlèvement des métaux semblent également être corrélées avec la saison, alors qu’une diminution de l’enlèvement a été observée pour certains lors du dégel, principalement pour le manganèse.

Les facteurs expliquant le relargage de métaux restent encore mal compris et de futures recherches sont nécessaires pour mieux comprendre et établir des recommandations afin de limiter cet impact. Le grand projet de la rue Saint-Maurice constitue un des premiers projets de cette envergure pour des BR construites sous un climat hivernal et démontre néanmoins que ces systèmes offrent des perspectives intéressantes pour la gestion des eaux pluviales au Québec.

Substrat, paillis et végétaux

Des indicateurs de croissance et santé des végétaux ont été mesurés. Les concentrations foliaires de nutriments et de métaux traces ont aussi été analysées. Ces indicateurs sont autant de traits fonctionnels pouvant être utilisés pour guider éventuellement le choix des végétaux dans les BR. Les substrats utilisés ont permis une bonne croissance des végétaux au cours des trois années de suivi malgré la sécheresse et l’apport de sels de déglaçage dans certaines sections des biorétentions.

La conductivité du substrat était plus importante en bordure de trottoir et de rue qu’à proximité de l’entrée d’eau de ruissèlement. Cela peut être dû à la projection de sel au moment de l’entretien de la route et au déglaçage des trottoirs par la ville et les particuliers. Ces contraintes devraient être considérées dans le choix des espèces et leur emplacement lors de futurs aménagements.

Les problèmes phytosanitaires ont eu plus d’impact que les eaux de ruissellement ou le type de substrat sur les végétaux. Cet aspect doit être pris en compte dans le choix des végétaux. Un suivi régulier de ces derniers par la suite est souhaitable. Le paillis doit être choisi avec soin pour éviter un apport trop important de nutriments tout en maintenant les bénéfices attendus de ce dernier.

L’ajout d’espèces arbustives ou arborescentes ou une composition végétale à fort indice de surface foliaire dans les biorétentions permettrait d’accroître la contribution de la transpiration végétale à la réduction des volumes.

Enfin, il est également important de rappeler que dans le contexte de ce projet, les biorétentions étudiées présentaient des particularités dues notamment à leur surdimensionnement, à la faible alimentation en eau de
ruissellement et à la hauteur de la nappe phréatique à certaines périodes de l’année. Par conséquent l’environnement dans lequel s’est trouvée la végétation n'était pas typique de celui de biorétentions conçues selon les normes. Cette situation pourrait réduire la généralisation des résultats à d’autres biorétentions.
Pour atteindre leurs objectifs, les puisards acheminant l’eau aux biorétentions doivent être conçus pour vraiment recueillir les eaux de ruissèlement de la chaussée.

Des recherches additionnelles sur un plus grand nombre d’espèces notamment des espèces d’arbustes et d’arbres sont nécessaires pour confirmer les indicateurs (traits fonctionnels) sur lesquels fonder le choix des végétaux. Des observations attentives de végétaux à tous les mois pendant la saison de croissance sont recommandées pour détecter rapidement les maladies et les insectes et intervenir en conséquence. Des suivis à plus long terme doivent être envisagés pour évaluer la performance et l’entretien des systèmes à maturité. Les recommandations issues de ce projet pilote pourraient être diffusées par le biais de fiches résumés.

• INRS-ETE

• Université Laval

• Université de Melbourne, Australie