Banc d’essai pour un protocole de prise de décision dans le secteur hydroélectrique

Les grands projets d’infrastructure dans le secteur hydroélectrique sont planifiés des décennies à l’avance et leur retour sur l’investissement calculé sur des périodes s’approchant du siècle. Ce long horizon et la forte dépendance de la production hydroélectrique aux conditions climatiques rendent ces ouvrages particulièrement sensibles aux incertitudes sur les projections climatiques.

En effet, une hausse ou une baisse d’apports en eau peut éloigner les équipements installés de leur mode d’opération optimal. Or, malgré leur disponibilité, les projections climatiques n’entrent toujours pas dans le processus de planification et de conception des ouvrages du secteur hydroélectrique. Une hypothèse expliquant ceci est que les études d’impacts traditionnellement réalisées répondent mal aux exigences de la prise de décision.

Ce projet vise donc à explorer et tester des approches qui permettent de mieux intégrer l’information climatique dans le processus de prise de décision touchant les investissements hydroélectriques.

• Concevoir un outil d’aide à la prise de décision pour deux projets hypothétiques d’investissements dans le secteur hydroélectrique;

• Développer une expertise sur les approches de prise de décision en contexte de changements climatiques;

• Supporter l’adaptation aux changements climatiques en proposant des services climatiques répondant aux exigences de la prise de décision.

• Exploration des méthodologies de prise de décision robuste aux incertitudes des projections climatiques;

• Identification des principaux enjeux affectant la performance d’investissements hypothétiques chez Hydro-Québec et Manitoba Hydro;

• Simulation de la performance de différentes options d’aménagements hydroélectriques en fonction des incertitudes climatiques et économiques identifiées;

• Développement d’un outil interactif d’aide à la décision pour chacun des cas d’étude ainsi qu’une version grand public pour fins de démonstration.

La littérature sur l’intégration de l’information climatique dans la prise de décision fait état de certaines faiblesses des études d’impacts de type top-down. Dans ces études, un ensemble de modèles de climat appliquent deux ou trois scénarios d’émissions de gaz à effet serre (GES) afin d’estimer, via un modèle d’impacts, les conséquences des changements climatiques.

Les conclusions de ces études dépendent directement des hypothèses faites dans la chaîne d’analyse : choix des scénarios de GES, des modèles, des méthodes de traitement, etc. En ce sens, les résultats sont relativement faciles à contester ou ignorer, puisque le rejet d’un seul élément de la chaîne d’hypothèses discrédite les conclusions de l’étude.

De plus, ces scénarios sont conservateurs au sens où ils décrivent des climats pour des valeurs de sensibilité climatique les plus probables, et ne couvrent généralement pas les climats plausibles mais moins probables, qui par exemple seraient peu, ou très, sensibles aux GES.

Ces raisons justifient l’utilisation de méthodes bottom-up conçues expressément pour appuyer la prise de décision. La méthode choisie pour ce projet, la prise de décision robuste, suggère une forme d’analyse de sensibilité explorant les incertitudes climatiques, économiques ou autres par le biais de milliers de scénarios synthétiques couvrant une large gamme de futurs plausibles.

Cette approche fait appel au schéma XLRM, où X désigne les incertitudes exogènes, L les leviers à la disposition du décideur (actions, stratégies), R les relations ou modèles liant les performances aux incertitudes et aux leviers, et M les mesures de performance évaluant l’atteinte des objectifs.

Les mesures de performance de tous les leviers sont évaluées sur la gamme de valeurs incertaines choisie, générant une large base de données permettant de répondre à plusieurs questions : Quelle stratégie performe le mieux pour un futur donné? Pour quels futurs une stratégie est-elle optimale? Quelle source d’incertitude domine la performance d’un levier? Quel levier minimise le regret si le futur ressemble à celui projeté par les modèles?

En collaboration avec les producteurs hydroélectriques, Ouranos a appliqué cette approche de prise de décision robuste à des cas fictifs d’intérêts. Dans le cas d’Hydro-Québec, l’étude de cas porte sur deux critères de conception, le marnage et le débit d’équipement, d’une centrale nordique. Pour Manitoba Hydro, on s’intéresse à la remise à neuf de turbines d’une centrale existante.

Dans les deux cas, des milliers de simulations hydrologiques et de production énergétique ont été réalisées, puis visualisées via l’application web développée dans le cadre du projet. Bien que cette approche ait l’avantage d’offrir aux décideurs les bénéfices d’une analyse de sensibilité détaillée, le temps et les efforts requis pour procéder à toutes ces simulations sont considérablement plus grands que pour une étude d’impact standard.

L’approche de prise de décision n’est donc pas une panacée, mais plutôt un nouveau type de service climatique offert par Ouranos pour soutenir les décideurs dans les cas où les incertitudes jouent un rôle déterminant dans le processus d’analyse.

• Hydro-Québec

• Manitoba Hydro