Régie raisonnée de l’eau pour le bleuet nain cultivé dans un contexte de climat variable et en évolution
Les résultats de ce projet permettent aux producteurs de mieux connaitre les risques de gel des fleurs et de stress hydriques des bleuetières ainsi que leur évolution en lien avec les changements climatiques. Ils pourront ainsi avoir une meilleure connaissance des seuils de rentabilité à atteindre, en matière de gain de rendement, pour rentabiliser l'investissement dans un système d'irrigation.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Le Québec est le principal producteur de bleuets nains au Canada, avec 35% de la production.Elle est transformée et commercialisée sur le marché canadien (15%) ou exportée (85%).
En 2012, la valeur des exportations en provenance des usines du Québec s'élevait à près de 90 M$. Ce secteur subit d'importantes fluctuations de production en raison des dommages causés par le gel des fleurs et la sécheresse. Cette variabilité de la production et de l'offre à l'exportation rend la situation difficile.
L’irrigation contre le gel des fleurs ou pour éviter un stress hydrique s'avère une solution potentielle pour stabiliser les rendements, mais son utilisation reste marginale au Québec compte tenu de l’ampleur des investissements et des volumes d’eau requis et du manque de connaissances sur sa mise en œuvre et sa rentabilité. Il s’avère donc important d’évaluer cette pratique en climat actuel, mais également en tenant compte des changements climatiques.
Objectif(s)
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Développer une approche visant l’optimisation de la gestion de l’eau dans la production du bleuet nain cultivé dans un contexte de variabilité et d’évolution du climat.
Démarche
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Développement de connaissances et d’outils pour raisonner l'irrigation en fonction du risque de gel des fleurs et du stress hydrique sur la base de données issue d’expérimentation dans des bleuetières et d’un modèle bioclimatique de développement phénologique du bleuet nain;
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Évaluation de l'impact des changements climatiques sur les risques de gel des fleurs et de stress hydrique dans les principales régions de production du Québec en combinant le modèle de phénologie et une approche par bilan hydrique à des scénarios climatiques à l’horizon 2050;
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Analyse de la rentabilité financière de scénarios et systèmes d’irrigation en climats actuels et futurs.
Résultats
L’analyse statistique des résultats n’a pas permis d’établir de relations significatives entre les quatre régimes hydriques à l’étude et les rendements mesurés dans les parcelles. Les plus hauts rendements, tout comme les plus bas, ont pu être mesurés aussi bien dans les parcelles irriguées que non irriguées. La grande variabilité de rendements observée dans les parcelles, en lien avec des facteurs autres que le régime hydrique, pourrait expliquer ces résultats.
Dans le contexte étudié (climat et régie de culture), le prélèvement en eau d'une bleuetière est faible lorsque comparé à d'autres productions agricoles, ce qui lui confère une plus grande autonomie entre deux apports d'eau. Par conséquent, le risque que la culture subisse un stress hydrique est faible.
Dans le contexte étudié, une réserve en eau du sol facilement utilisable (RFU) par la culture de 20 mm pourrait être épuisée de 4,6 à 9,0 jours par saison en climat actuel dans le secteur de production situé autour du lac Saint-Jean (1981-2010). Ce risque pourrait augmenter du fait des changements climatiques dans ces sols où la RFU est faible.
Ainsi, pour la période 2041-2070, une RFU de 20 mm pourrait être épuisée de 4,6 à 13,5 jours (scénario inférieur ) et de 9,1 à 22,5 jours (scénario supérieur) par saison (Figure 1).Toutefois, le risque de stress hydrique doit toujours être évalué individuellement pour chaque entreprise.
Par ailleurs, le prélèvement en eau, mesuré en continu, suggère que le potentiel de rendement des bleuetières suivies est fort probablement plus élevé. Actuellement, le prélèvement quotidien est généralement de 50 % inférieur à la demande en évapotranspiration potentielle.
La plupart des cultures atteignent 100% de l’évapotranspiration potentielle à un moment ou un autre de la saison. Si cette hypothèse se vérifie et que les rendements étaient amenés à augmenter et à être plus homogènes au sein des parcelles, le risque de stress hydrique pourrait augmenter.
L'analyse réalisée dans le cadre du projet a montré que le risque de gel des fleurs ne sera pas modifié de façon significative pour la période 2041-2070 par rapport à 1981-2010. Ce risque est actuellement plutôt faible mais peut, dans certains cas, être plus élevé selon l'emplacement et l'aménagement de la bleuetière.
Figure 1. Nombre de jours où le bilan hydrique est nul chez le bleuet nain (RFU = 20 mm, coefficient cultural Kc = 0,45), de l’émergence des ramets au 31 octobre : a) période 1981-2010, b) scénario de changement supérieur (2041-2070)
Dans le contexte actuel (coût de l’assurance-récolte, prix de vente du bleuet, coût des systèmes d’irrigation et climat), il semble que l’investissement dans un système d’irrigation ne soit pas avantageux par rapport à l’assurance-récolte, si la finalité de ce système est essentiellement ou uniquement la gestion des risques climatiques.
Si l'irrigation était néanmoins envisagée, il serait recommandé d'utiliser des outils d'aide à la décision tant pour gérer l'irrigation que pour évaluer la pertinence d'y recourir, de réaliser des essais à petite échelle, de choisir un système d'irrigation adapté aux objectifs visés, de prioriser les champs les plus productifs et de s'assurer que la quantité et la qualité de la source d'approvisionnement en eau sont suffisantes.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Meilleure connaissance des risques de gel des fleurs et de stress hydriques des bleuetières et de leur évolution en lien avec les changements climatiques ainsi que des seuils de rentabilité à atteindre, en matière de gain de rendement, pour rentabiliser l'investissement dans un système d'irrigation.
Identification d’axes de recherche basés sur l’approche du « prélèvement en eau de la culture » comme indice qui pourraient à terme permettre de mieux évaluer le potentiel de rendement et ainsi appuyer la prise de décision.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
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Agriculture et Agrolimentaire Canada (AAC)
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Bleutière des Blanc
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Ferme forestière Paul Grenon & fils
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Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)
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Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)