Température intérieure des logements en Montérégie : mieux comprendre pour mieux intervenir
Ce projet documente le lien entre la température mesurée à l’intérieur du logement et différents effets sanitaires chez une population vulnérable à la chaleur.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Les vagues de chaleur ont des impacts sanitaires importants et la relation entre la température extérieure et la mortalité est bien documentée. Les seuils de mise en alerte et de mobilisation du réseau de la santé et de ses partenaires sont d’ailleurs basés sur les températures extérieures et visent à éviter les excès de mortalité. Toutefois, la température à l’intérieur des logements donnerait une meilleure indication de l’exposition à la chaleur pour les individus qui y passent la majorité de leur temps. Dans une optique de prévention, il serait donc pertinent de s'intéresser aux mesures d’adaptation comportementales ainsi qu’aux mesures mises en place dans le logement et aux signes avant-coureurs des problèmes reliés à la chaleur, afin d’éviter les complications et les consultations médicales d’urgence. Peu de recherches existent concernant la relation entre la température intérieure, les conséquences sanitaires et l'effet de ces mesures.
Objectif(s)
Documenter le lien entre la température mesurée à l’intérieur du logement et différents effets sanitaires chez une population vulnérable à la chaleur, tout en tenant compte de l’influence des comportements d’adaptation adoptés par les individus ; des mesures d’adaptation liées au logement et de la défavorisation sociale et matérielle.
Démarche
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Recrutement de 300 participants de 60 ans et plus, résidents sur le territoire du Centre intégré de santé et services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Centre et du CISSS de la Montérégie-Est.
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Collecte de données sur deux étés (2017 et 2018) avec trois temps de mesure à chaque été : temps frais (18 à 22ᵒC), temps chaud (28 à 30ᵒC) et temps très chaud (30 à 33ᵒC).
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Utilisation de thermomètres enregistreurs de température pour la collecte des données météorologiques dans le domicile (température et humidité).
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Utilisation de questionnaires pour la collecte de données sur le domicile (variables sur l’environnement bâti) et sur le participant (variables sociodémographiques usuelles, effets sanitaires, comportements d’adaptation personnels et mesures d’adaptation du logement).
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Exploration du lien entre les températures intérieures et les effets sur la santé, tout en tenant compte des comportements d’adaptation et de la défavorisation matérielle et sociale.
Résultats
Le territoire à l’étude était initialement celui de l’agglomération de Longueuil puisque les individus de l’Agglomération présentent une vulnérabilité à la chaleur semblable à l’ensemble des Québécois, en termes de proportions de personnes âgées et de celles vivant seules ou sous le seuil de faible revenu. En termes de type de construction résidentielle, les données illustrent une similitude entre l’agglomération de Longueuil et le Québec. Ensuite, le territoire à l’étude a été circonscrit pour des raisons de faisabilité (temps de déplacement pour la pose des thermomètres enregistreurs). Un territoire urbain a été choisi puisque ces milieux sont plus sujets à des problèmes de chaleur. Toutefois, des difficultés de recrutement ont été rencontrées, ce qui a mené l’équipe de projet à élargir le territoire à l’ensemble des CISSS de la Montérégie-Centre et de la Montérégie-Est, urbain et rural. Un total de 277 participants ont été rejoints à chacun des trois temps de mesure pour l’évaluation des symptômes liés à la chaleur. La moyenne d’âge des participants était de 73 ans. Le groupe était composé en majorité de femmes (80 %), de personnes dont le plus haut niveau d’études était le diplôme d’études secondaires (59 %), de personnes vivant seules (81 %) et de personnes présentant au moins une maladie chronique (65%).
Les analyses démontrent que l’environnement bâti a une influence sur les températures à l’intérieur du domicile. Ainsi, les logements situés dans des bâtiments de 24 logements et plus, ceux situés sous le toit et ceux situés dans un îlot de chaleur étaient plus chauds. Compte tenu de leur vulnérabilité à la chaleur, il est préférable que les personnes âgées se logent dans des bâtiments comportant moins de logements, aux étages inférieurs et situés à l’extérieur d’îlots de chaleur. Ces éléments devraient être pris en compte dans les projets de constructions d’habitations, particulièrement dans le contexte de densification du territoire favorisé ces dernières années, lequel privilégie les bâtiments de très grande taille.
Pour plusieurs des symptômes étudiés, la probabilité de les ressentir augmente avec les températures à l’intérieur des logements. Par temps très chaud, soit 30 ᵒC et plus, les symptômes suivants ont été rapportés plus souvent lorsque comparés à un temps plus frais :
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Crampes (26 %).
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Bouche sèche (27 %).
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Impression d’avoir plus soif que d’habitude (53 %).
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Urines moins fréquentes qu’habituellement (13 %).
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Urines plus foncées qu’habituellement (14 %).
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Ressentir plus de fatigue que d’habitude (46 %).
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Nausées (11 %).
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Troubles du sommeil (31 %).
Pour plusieurs symptômes, le risque de ressentir ces symptômes peut augmenter rapidement avec la température du domicile. Ces résultats sont présentés dans à la figure 1.
Selon les analyses réalisées, les comportements préventifs (ex. boire de l’eau) et d’adaptation du logement (ex. ventilateur) n’ont pas modulé l’impact de la température sur les symptômes rapportés. Notons que pour plusieurs comportements d’adaptation, peu de personnes les ont adoptés ce qui peut limiter les conclusions. Il est aussi possible que les personnes qui ont adopté les comportements, l’aient fait alors que les symptômes étaient déjà ressentis.
Au Québec, les seuils de mobilisation du réseau de la santé et de ses partenaires sont basés sur des températures extérieures. Ces seuils ont plusieurs limites. De plus, les données d’une station météo s’appliquent à l’ensemble du territoire concerné par ces seuils, même si ces données ne sont pas forcément représentatives de l’ensemble du territoire. Ces seuils de température ont été établis pour prévenir un excès de mortalité. Ils ne visent pas à prévenir la morbidité comme l’augmentation des visites à l’urgence ou encore les hospitalisations.
Figure 1. Probabilité de rapporter des symptômes en lien avec la chaleur, selon la température. De gauche à droite : bouche sèche, soif, troubles du sommeil, urines moins fréquentes.
La relation dose-réponse identifiée pour la bouche sèche, la soif, la fatigue, les urines moins fréquentes, les urines plus foncées et les troubles du sommeil pourrait être utilisé pour bonifier les interventions lors d’une vague de chaleur. Les recommandations suivantes sont proposées afin de bonifier la réponse aux vagues de chaleur :
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Diffuser les résultats de cette étude au personnel des CISSS (responsables des programmes clientèle, responsables des mesures d’urgence, infirmières à domicile, etc.).
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Diffuser les résultats de cette étude aux gestionnaires d’habitations pour personnes âgées.
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À l’aide des données colligées lors de la présente étude, explorer la possibilité de déterminer un seuil de température à l’intérieur du domicile, à partir des courbes de symptômes en fonction de la température maximale. Utiliser ce seuil pour outiller les intervenants à domicile.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Les données du projet mettent en lumière des symptômes précoces des effets de la chaleur. Ils peuvent être utilisés par les intervenants du réseau de la santé et du milieu communautaire lors des visites à domicile pour adapter les soins.
Les seuils de température observés dans le cadre du projet vont également soutenir le travail des intervenants à domicile. Ils permettront de préciser les usagers du réseau de la santé pour lesquels un soutien supplémentaire est requis en raison de la température du domicile.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Autres participants
Université McGill