Entrevue – Anticiper les conséquences pour mieux faire face au manque d’eau au Québec
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En matière d’eau, le Québec a la chance d’être avantageusement positionné et de compter sur un territoire composé de centaines de milliers de lacs, de rivières et d’autres cours d’eau. Devant une telle abondance, il est possible de penser que l’accès à la ressource n’est pas un enjeu pour la population québécoise et pour les multiples usages qu’elle en fait.

Cela dit, les changements climatiques viennent contredire cette croyance : devant un avenir où les épisodes de manque d’eau seraient plus importants et potentiellement plus fréquents au Québec, il devient essentiel de se préparer.

C’est dans ce contexte que s’est déployé le Projet CASCADES (Conséquences Attendues Survenant en Contexte d’Aggravation des Déficits d’Eau Sévères au Québec), dont le rapport vient d’être publié. 

Rencontre avec Kristelle Audet (Groupe AGÉCO), Laurent Da Silva (NADA Conseils), Daniel Tarte (T2 Environnement) et Jérémie Roques (ROBVQ) pour un tour d’horizon de cette initiative. 

Le projet CASCADES, c’est quoi?

 

Kristelle Audet – L'objectif était d'identifier les conséquences passées et futures des épisodes de manque d'eau sévère au Québec sur les écosystèmes et aussi sur les usages qui sont reliés aux activités humaines, qu’on appelle ici les usages anthropiques.

Pouvez-vous nous donner un exemple sur comment les nouvelles connaissances issues du projet pourraient être utiles à la société?

 

Jérémie Roques – Un exemple qui me parait emblématique est celui des conséquences d’un épisode de déficit en eau sur la production et l’accès à l’eau potable.

Les résultats de cette étude, combinés à tout ce qui ressortira plus tard des prochaines études, vont vraiment être très utiles à l'affinage et l'amélioration des analyses de vulnérabilité de sources d'eau potable. Ces analyses sont actuellement assez lacunaires en ce qui concerne les connaissances des impacts des changements climatiques. Le projet nous permet aussi de réfléchir à la planification des urgences. Quelles stratégies allons-nous déployer en cas d’étiages sévères?

Les informations seront utiles aux responsables en aménagement du territoire : je pense notamment aux municipalités et aux MRC qui doivent se doter de plans d’urgence et qui pourraient éventuellement inclure les déficits en eau. 

Le projet CASCADES nous apporte aussi de l’information utile à la réflexion sur comment on priorise nos actions et éventuellement même, comment prioriser nos usages dans un contexte de manque d’eau sévère. Nous n’en sommes évidemment pas là, mais il faudra se poser ces questions à un moment pour déterminer ce qui est essentiel au maintien du bon fonctionnement du territoire.

L’objectif ultime demeure de s’assurer que la ressource reste disponible en quantité suffisante pour tous, en gardant toujours en tête la réduction des risques et des conflits d’usage.

Laurent Da Silva – La question de la priorisation des usages, c’est un élément important et peut-être un peu l’éléphant dans la pièce. J’ai l’impression que ce projet pourrait peut-être nous permettre d’ouvrir la porte à une conversation sur cette question lors d’événements de déficits en eau sévère. Nous n’avons évidemment pas toutes les réponses, mais le projet nous permet peut-être de cheminer un peu sur ce sujet.

Pourquoi est-il important de connaître les conséquences du manque d’eau sur les populations et les écosystèmes?

 

Laurent Da Silva – Concernant les populations, il faut connaître les conséquences pour se préparer. Disons qu’en matière de loterie hydroclimatique au Québec, nous avons été relativement chanceux jusqu’à maintenant en termes de déficit en eau, mais quand on regarde le futur, on voit qu’on doit s’attendre à une aggravation importante des déficits en eau, particulièrement dans le sud du Québec. L’idée du projet c’est vraiment de se préparer, donc d’être proactif plutôt que réactif.

Le projet CASCADES se veut une occasion d’essayer d’anticiper ce que nous pourrions subir comme conséquences dans le cas d’un événement de manque d’eau beaucoup plus sévère que ce qu’on a connu jusqu’à maintenant. 

Daniel Tarte – En matière d’écosystèmes, je dirais qu’il y a une zone d’ombre sur tout ce qui concerne ce secteur. On s’intéresse depuis longtemps aux conséquences sur les populations, parce que ça nous concerne directement. Mais pour les écosystèmes, on ne sait pas et on ne voit pas ce qui se passe sous la surface de l’eau. Il faut qu’on en sache plus sur les risques auxquels on sera exposé avec le débalancement de la chaîne trophique, c’est-à-dire les interactions dynamiques entre les organismes tout au long d'une chaîne alimentaire, parce qu’ultimement, la cascade de conséquences affecte aussi l’humain.

D’un point de vue strictement écosystémique, je dirais aussi qu’il est très important de comprendre ce qui se passe, parce que les écosystèmes et les espèces qui les peuplent actuellement sont le résultat de milliers d’années d’évolution. Ne serait-ce que pour le maintien de ce qui est là, il faut en savoir plus. 

En terminant, en quoi était-ce un projet novateur?

 

Laurent Da Silva – Je nommerais deux raisons : d’abord parce que nous voulions poser un regard holistique sur le sujet, c’est-à-dire de considérer à la fois les répercussions sur les usages anthropiques, mais aussi sur les écosystèmes. Nous voulions documenter les conséquences directes, mais aussi indirectes qui se déploient justement en cascade à partir d’un épisode de déficit sévère en eau. 

Le deuxième élément, c’est que nous avons travaillé avec une approche par trames narratives. Donc, plutôt que d’utiliser des projections moyennes de températures et de précipitations à différents horizons climatiques, nous avons choisi de nous ancrer dans des événements de manque d’eau pigés dans les simulations climatiques à notre disposition.

Concrètement, on s’est positionné dans des scénarios d’été très secs et très chauds. Ce sont des événements qui reflètent des conditions hydroclimatiques plausibles qu’on pourrait vivre dans le futur auquel on greffe une projection du contexte socioéconomique : évolution de la population, des besoins en eau, etc. 

En travaillant de cette façon, il a été plus facile de raconter l’histoire de cet événement et d’entrevoir les conséquences vécues, notamment par la population, les entreprises, les commerces, les institutions et sur les écosystèmes. 

Envie d’en savoir plus?

Consultez le rapport du projet.

Visionnez en ligne le webinaire offert par l’équipe scientifique du projet.
 

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