Réanalyses
La réanalyse est une méthode utilisée pour obtenir un portrait exhaustif de l’état du système terrestre. Cette méthode consiste à combiner les résultats issus un modèle de prévision météorologique et des observations pour produire, généralement pour l’ensemble du globe, des archives d’un grand nombre de variables représentant les conditions atmosphériques, océaniques et de la surface terrestre sur des grilles de plus en plus fines à une résolution temporelle de quelques heures pour plusieurs décennies. On appelle les données ainsi produites des réanalyses.
Pour qui s’intéresse au climat, les réanalyses couvrant plusieurs décennies ont une valeur inestimable, car, de cette série de portraits de l’atmosphère réelle, il est possible d’en dériver les caractéristiques du climat réel pour un grand nombre de variables.
Les réanalyses sont produites sensiblement de la même manière que les analyses utilisées pour initialiser un modèle de prévision météorologique lorsque vient le temps de faire une nouvelle prévision. Cependant, à travers les années, des modèles de prévisions météorologiques de plus en plus performants- parfois très différents - se sont succédé, des corrections leur ont été apportées, leurs résolutions horizontale et verticale se sont raffinées, certaines variables ont disparu tandis que de nouvelles ont été introduites.
Ainsi, les analyses manquent d’homogénéité ce qui les rend difficiles à utiliser pour étudier le climat sur de longues périodes.
C’est pour remédier à ce problème d’uniformité que certains centres de prévision ont choisi de revisiter leurs archives afin de produire des réanalyses. Pour ce faire, ces centres choisissent la version la plus récente de leur modèle de prévision météorologique ainsi que de leur algorithme d'assimilation des données, et fixent ensuite une résolution horizontale et une résolution verticale qui demeureront uniformes pour toute la période revisitée. De nouvelles sources d’observations satellitaires ou de radars peuvent même être intégrées à la procédure ce qui permet d’améliorer la représentation du climat. Ce travail est généralement fait pour plusieurs décennies correspondant aux périodes où les réseaux d’observation sont variés, denses et fiables.
Voici les principales étapes de la production des analyses et des réanalyses:
1. Exécuter le cycle d’assimilation des données observées.
Cette procédure vise à intégrer des observations de diverses sources et régions du globe (issues de radiosondages aérologiques, de stations météorologiques de surface, de satellites, de radars, etc.) dans le modèle de prévision météorologique*. Ces observations représentent l’état de l’atmosphère et de la surface au moment identifié comme étant le temps initial de la prévision météorologique à produire.
L’assimilation de données observées repose sur des techniques mathématiques sophistiquées qui doivent composer avec le fait que les observations sont effectuées à des temps différents, qu’elles contiennent des erreurs ou sont incomplètes. Ces données peuvent aussi provenir de sources et d’instruments variés ayant diverses couvertures spatiales et temporelles. Elles sont d’ailleurs inexistantes pour plusieurs variables du modèle de prévisions météorologiques.
*À l’instar des modèles de climat, les modèles de prévision météorologique sont aussi des modèles physiques basés sur les équations de la mécanique des fluides (voir FAQ1 et FAQ3 ). Ces équations leur procurent la capacité de produire de nombreuses variables cohérentes entre elles dans l’espace et dans le temps.
2. Produire l’analyse à l’aide des données assimilées
Une fois son cycle d’assimilation complété, le modèle de prévisions établit le portrait le plus fidèle possible de l’atmosphère au temps initial pour plusieurs dizaines de variables cohérentes sur sa grille de calcul, incluant les variables qui ne sont pas mesurées: c’est ce que l’on appelle une analyse. Autrement dit, les analyses comprennent deux types de variables : 1) celles pour lesquelles le modèle a pu tenir compte des observations et 2) celles qui sont de purs produits du modèle parce qu’aucune observation n’est disponible.
Lorsque l’analyse est prête, le modèle l’utilise pour initialiser la simulation qui lui permettra de produire les prévisions météorologiques du temps à venir. Les analyses sont produites entre deux et quatre fois par jour et sont conservées par les différents centres de prévisions météorologiques dans le monde.
La production de réanalyses demande un effort colossal sur le plan des ressources financières et techniques qui ne sont à la portée que de quelques grands centres de prévision. Les plus connus sont le European Center for Medium-Range Weather Forcasts (ECMWF; réanalyses ERA5, ERA15, ERA40, ERA-Interim), le National Center for Environmental Prediction (NCEP; réanalyses : NCEP, NCEP-DOE Reanalysis -2, CFSR, NARR), la NASA (réanalyses MERRA2 et MERRA), l’Agence météorologique japonaise (JMA; réanalyses JRA-3Q, JRA-25 et JRA-55), la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA; réanalyses 20CRv3). Depuis quelques années, certains centres ont commencé à produire des réanalyses qui incluent des variables associées à la surface terrestre (p. ex. ERA5-Land d’ECMWF et CaSRv3 d’ECCC).
Même si les réanalyses intègrent des données observées et qu’elles offrent un portrait assez crédible de la réalité, il existe des différences importantes entre les réanalyses des différents centres de prévision. En voici les principales raisons :
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Les disparités sont plus grandes dans les régions du monde où les observations sont plus rares et éparses.
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Pour produire leurs réanalyses, les divers centres de prévision utilisent des modèles de prévisions météorologiques différents mais aussi des schémas d’assimilation différents.
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Les résolutions spatiales tout comme les sélections d’observations varient.
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Les variables pour lesquelles il n’existe pas d’observations présentent potentiellement les plus grandes disparités, car elles sont déterminées uniquement par le modèle de prévision.
En dépit de ces incertitudes, les réanalyses représentent un outil précieux et indispensable pour l’étude du climat, car elles permettent de faire l’analyse climatique de nombreuses variables et leurs interactions. On les utilise pour améliorer la compréhension de plusieurs aléas. Elles sont également utilisées pour valider les modèles climatiques (ESM ou MRC) en climat historique, ou pour le pilotage des MRC. Au fil des années, la qualité des réanalyses s’est grandement améliorée. Au point qu’elles sont de plus en plus utilisées comme données de référence pour la mise à l’échelle statistique des données issues des modèles climatiques.
Pour en savoir plus
Le site « Advancing Reanalysis » regroupe des informations, des forums, ainsi que les liens pour accéder à la plupart des bases de données de réanalyses ainsi qu’aux documentations produites par les diverses institutions.