Le 1er mai 2023, des inondations majeures à Baie-Saint-Paul ont causé d'importants dommages. Construit il y a près de 175 ans, le bâtiment patrimonial qui abritait le Gîte au Clocheton a été démoli en août 2024.
Le patrimoine bâti est bien plus qu’un héritage architectural. C’est un récit vivant de l’identité culturelle d’une société, un témoignage de son évolution. Confronté aux menaces grandissantes des changements climatiques, ce patrimoine se retrouve en péril. Claudine Déom, professeure agrégée à l’Université de Montréal, avec la contribution d’Ornella Siger, doctorante en aménagement, s’est penchée sur cette situation préoccupante. Leur recherche, terminée en 2024, recense les principaux enjeux qui affectent le patrimoine bâti et jette les bases pour le préserver.
Une prise de conscience nécessaire
Alors que les discussions sur les changements climatiques se multiplient au Québec, le patrimoine historique est souvent négligé. Claudine Déom souligne que « les phénomènes climatiques ont déjà entraîné la démolition de centaines de bâtiments. Il est nécessaire de trouver des solutions d’adaptation pour les préserver ».
Le défi est de taille, d’autant plus qu’il n’existe aucun registre permettant de recenser les bâtiments patrimoniaux endommagés ou détruits par les aléas climatiques. « Combien de bâtiments ont disparu, combien pourraient disparaître ? » s’interroge Claudine Déom. Face à ce manque de données, il devient impératif de comprendre les vulnérabilités du patrimoine bâti.
Mieux comprendre pour mieux protéger
L'étude recense les principaux enjeux et risques climatiques sur le patrimoine bâti, ainsi que des pistes de solutions. « Pour protéger notre patrimoine, il faut comprendre les enjeux qui le concernent », souligne Claudine Déom.
Les inondations, les vagues de chaleur, les tempêtes et les cycles de gel-dégel représentent des dangers importants. Ces phénomènes fragilisent les matériaux de construction, accélèrent la dégradation des structures et multiplient les risques d’effondrement ou de détérioration irréversible. Par ailleurs, l’intensification des épisodes climatiques augmente la fréquence et la gravité des dommages.
Au-delà des phénomènes climatiques, une autre menace est tout aussi préoccupante. « Le patrimoine bâti est souvent absent des conversations », constate la chercheuse. Ce manque de considération se traduit par une absence de données sur l’état des bâtiments patrimoniaux, et un cadre légal insuffisant pour les préserver.
Le rapport de recherche propose plusieurs pistes de solution, notamment la sensibilisation des municipalités, MRC, propriétaires et acteurs du milieu. Des outils adaptés permettraient de mieux comprendre les impacts et de planifier des interventions plus efficaces. Claudine Déom souligne également l’importance de la formation pour restaurer et entretenir les bâtiments patrimoniaux. « Nous avons besoin de professionnels capables d’intervenir sur nos bâtiments historiques, de respecter leur valeur patrimoniale tout en s’adaptant aux enjeux climatiques », affirme-t-elle.
Valoriser le patrimoine comme levier de durabilité
Le patrimoine bâti peut aussi représenter un levier pour le développement durable. Claudine Déom cite l’architecte Carl Elefante: « le bâtiment le plus vert est celui qui existe déjà ». En valorisant les structures patrimoniales, nous pouvons préserver notre histoire et contribuer à l’adaptation et à l’atténuation des impacts des changements climatiques. Cela devient d’autant plus pertinent dans le cadre des initiatives de décarbonation mises en place au Québec, où l’entretien des bâtiments historiques peut jouer un rôle significatif.
L’avenir du patrimoine bâti repose sur une approche qui allie conservation et adaptation. Claudine Déom appelle à une meilleure intégration du patrimoine dans les efforts de développement durable et d’adaptation aux changements climatiques. Des exemples inspirants, tels que la transformation du quartier Saint-Roch et de la Maison de la littérature à Québec, illustrent cette approche où le passé et le présent se conjuguent harmonieusement. « En alliant conservation, modernité et durabilité, le patrimoine bâti peut non seulement être préservé, mais aussi utilisé de façon vivante et utile pour les générations actuelles et futures. »
Autrefois une église, la Maison de la littérature à Québec a été restaurée en bibliothèque et centre culturel, tout en préservant son caractère d’origine.
Marie D Martel, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Cette ancienne église à Montréal est maintenant le Chic Resto Pop, une entreprise d’insertion socioprofessionnelle, d’économie sociale et un organisme d’action communautaire.
Mélissa Mars, Chaire de recherche du Canada en patrimoine bâti, 2016