Approche intégrée pour évaluer la capacité adaptative des populations du bassin versant de l'Artibonite (Haïti) face aux impacts des changements climatiques sur l'eau

Le fleuve Artibonite est la plus grande réserve d’eau d’Haïti et son bassin versant est le plus important, avec une superficie de plus de 9550 km², dont un tiers se trouve en République Dominicaine. La vallée de l’Artibonite est également nommée le grenier d’Haïti car c’est là qu’est produite la plus grande proportion de riz cultivé, l’une des principales céréales consommées dans le pays. Cela est d’autant plus important que l’agriculture contribue à 23% du PIB, selon une étude de l’USAID menée en 2014. Cependant, ce secteur est confronté à plusieurs difficultés, dont le manque d’eau. La problématique varie entre le haut et le bas de l’Artibonite. Dans la partie amont (Haut-Artibonite), les problèmes sont liés à la baisse des précipitations, à l’érosion hydrique et au décalage du démarrage de la saison des pluies. Dans la partie aval (ou bas-Artibonite), les enjeux sont liés aux inondations et au manque d’eau potable. Les changements climatiques se traduiront par une hausse des températures et une baisse des précipitations, ce qui pourrait avoir des répercussions sur les populations locales qui auront à s'adapter aux nouvelles conditions.

• Évaluer les vulnérabilités de la population locale aux impacts des changements climatiques sur la base de leurs perceptions.

• Analyser les facteurs qui influencent leurs vulnérabilités selon eux.

• Calculer l’indice de vulnérabilité sociale à l’échelle des arrondissements.

• Application d’une approche inductive (qui part des observations pour mener à une hypothèse) pour comprendre les perceptions des individus et des ménages à l’aide de la méthode de la théorisation ancrée (méthode visant à construire des théories non pas à partir d'hypothèses prédéterminées mais à partir des données du terrain);

• Élaboration d’une approche déductive (qui part d'une hypothèse pour l'appliquer à un cas d'observations) à l’aide d'un système d'information géographique dénommé SOLAP (Spatial Online Analytical Processing);

• Analyse des données du dernier recensement national d’Haïti pour calculer un indice de vulnérabilité sociale.

Si les individus et ménages du bassin versant de l’Artibonite sont d’abord préoccupés par leur survie au quotidien, ils observent néammoins des changements dans leur environnement et décrivent de façon précise ceux qui menacent leurs activités de subsistance: inondations, sécheresses, maladies d’origine hydriques et bouleversements du calendrier cultural. La variabilité climatique touchant à leur subsistance, celle-ci semble considérée comme plus importante que les changements climatiques, perçus comme se manifestant dans un horizon plus lointain. Ces populations n’attribuent pas forcément ces changements à l’évolution climatique et cela se traduit par la quasi-inexistence de stratégies d’adaptation. Cependant, quand le lien est établi, elles décrivent avec précision les changements qu’elles vivent et identifient les facteurs qui, selon elles, influencent leur vulnérabilité. Selon l’analyse réalisée avec l’outil SOLAP, certains facteurs semblent influencer les perceptions des ménages plus que d’autres. Il s’agit de l’âge, du secteur d’activité, de la multiplicité ou non des activités, de l’éducation, de la possession et du type de biens possédés (Figure 1). 

Figure 1 : Perception de la vulnérabilité selon la multiplicité des activités économiques.

Tout cela rejoint les résultats issus du calcul d’un indice de vulnérabilité calculé de façon plus objective et à une échelle plus macro (Figure 2). Cet indice a été calculé selon une série d’indicateurs, tels que le statut socio-économique, le genre, l’âge, l’occupation, le niveau d’éducation, etc. Les populations s’estiment impuissantes face à ces variabilités et changements, à cause de leur manque de moyens et de connaissances. Ils savent également que certaines de leurs activités aggravent les problèmes qui existent déjà, en l’occurrence la coupe des arbres pour la fabrication du charbon de bois qui contribue selon eux à la baisse des précipitations. Toutefois, ils croient qu'il n'y a pas d'autres alternatives s’ils veulent survivre et satisfaire à leurs besoins quotidiens. Ils se retrouvent pris dans une situation de gestion de l’urgence qui se fait au sacrifice de la capacité d’adaptation, ce qui accroît leur vulnérabilité.

Figure 2 : Classement des arrondissements par quantile des scores SoVI.

Dans un tel contexte de pauvreté, il est nécessaire que tout projet ou programme d’adaptation intègre le double objectif de réduction de la pauvreté et de renforcement des capacités d’adaptation aux changements climatiques. Si les questions primordiales pour ces populations sont un meilleur accès aux biens et services (plus d’équité), il sera difficile de leur parler d’adaptation aux changements climatiques.

En conclusion, pour que les efforts d’adaptation puissent être efficaces, il est important de tenir compte de ce qui importe le plus pour les populations concernées. Plus concrètement, il s’agira d’impliquer ces dernières dans les recherches visant à trouver des solutions à leurs problèmes et de se baser sur les ressources locales pour appliquer les solutions trouvées. En effet, toute mesure d’adaptation doit se baser sur les ressources locales et impliquer les différentes communautés avant, pendant et après leur mise en œuvre.