Alors que l’été est à nos portes, de nombreuses espèces d’insectes et d’arthropodes s’activent et prolifèrent. C’est le cas de la tique à pattes noires (Ixodes scapularis), une espèce envahissante responsable de la transmission de la maladie de Lyme en Amérique du Nord. Originaire des États-Unis, cette tique est maintenant établie au Québec depuis plusieurs années, notamment en raison des changements climatiques (on parle d’une population de tiques établie, lorsque celle-ci parvient à survivre et à se reproduire d’une année à l’autre).
Quel est le rôle des changements climatiques dans ce phénomène et comment se déploiera-t-il au Québec dans les années à venir?
Un climat propice à la migration de la tique à pattes noires
Le réchauffement des températures induit par les changements climatiques exerce une forte influence sur la progression géographique de la tique à pattes noires. Au Canada, la hausse des températures pourrait permettre aux tiques à pattes noires de se déplacer vers le nord à une vitesse de 35 à 55 kilomètres par année.
Au Québec, cette réalité est déjà présente au sud de la province à proximité de la frontière américaine, où des données de surveillance ont détecté des populations de tiques établies dans plusieurs régions.
Figure 1 : Carte de répartition actuelle des populations de tiques Ixodes scapularis au Québec
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), en collaboration avec Ouranos, a produit de nouvelles cartes cette année montrant que la majorité du territoire habité du Québec pourrait offrir des conditions favorables à l’installation des tiques d’ici 2080. Cette perspective signifie une augmentation du risque pour les populations de se faire piquer par une tique et de contracter la maladie de Lyme.
Nouvelles cartes
Dans le cadre de sa collaboration avec l’INSPQ, Ouranos a produit et fourni les données climatiques nécessaires pour mettre sur pied les nouvelles cartographies.
Voici deux endroits où trouver les cartes présentant le climat favorable à l’établissement des tiques à pattes noires en climat futur.
Bien que les tiques soient présentes tout au long de l’année, elles deviennent actives lorsque la température franchit la barre des 4 °C et qu’il n’y a plus de couvert de neige au sol. Des étés de plus en plus chauds sont aussi propices à l’accentuation de leur activité, qui est maximale autour de 25 °C. Avec l’augmentation des températures, la période d’activité tend à s’allonger, en commençant plus tôt au printemps et en se terminant plus tard à l’automne.
Le climat changeant permet aussi d’élargir l’aire de répartition d’espèces hôtes pouvant transporter la tique à pattes noires. Ainsi, les cervidés, les oiseaux et les rongeurs qui se déplacent en raison des changements climatiques ou des changements dans leurs habitats induits par l’activité humaine contribuent à la progression géographique de la tique au Québec.
Répartition future de la tique à pattes noires
Dans les prochaines décennies, les projections climatiques suggèrent une augmentation de l’aire de répartition de cette espèce. Conséquemment, la présence de la maladie de Lyme dans la majorité des régions habitées du Québec risque elle aussi d’augmenter.
Selon des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre médian et élevé, la zone climatique favorable à l’établissement de populations de tiques à pattes noires aura tendance à augmenter dans la quasi-totalité du Québec méridional à l’horizon 2080. Les projections de la répartition des tiques sont similaires pour les deux scénarios concernant l’horizon 2030. Concernant les horizons 2050 et 2080, les tiques devraient progresser davantage vers le nord, mais de façon plus importante selon le scénario élevé.
Figure 2 : Zone climatique favorable à l’établissement de populations de tiques à pattes noires selon un scénario d’émission de gaz à effet de serre médian pour les années 2030 (en rouge), 2050 (en orange) et 2080 (en jaune).
Figure 3 : Zone climatique favorable à l’établissement de populations de tiques à pattes noires selon un scénario d’émission de gaz à effet de serre élevé pour les années 2030 (en rouge), 2050 (en orange) et 2080 (en jaune).
Pour produire ces projections, Ouranos a calculé le nombre de degrés-jours en °C, une mesure qui correspond à l’écart entre la température moyenne quotidienne et une valeur de référence. Ces données aident à déterminer si les conditions climatiques d’une région permettront l’établissement des tiques à pattes noires.
Ici, l’indicateur utilisé correspond au nombre annuel de degrés-jours au-dessus de 0°C, supérieur ou égal à 2800. Si les conditions climatiques projetées à un endroit donné dépassent ce seuil, on peut s’attendre à la présence de tiques à pattes noires.
La tique à pattes noires : vectrice de la maladie de Lyme
Une piqûre de tique à pattes noires n’est pas automatiquement synonyme d’une transmission de la maladie de Lyme. En réalité, un peu moins d’une tique sur trois est porteuse de la bactérie Borrealia burgdorferri et peut transmettre l’infection. Elles peuvent ainsi contaminer les humains et les animaux par une piqûre et entraîner des problèmes d’ordre cutané, articulaire, cardiaque et oculaire, voire neurologique. D’autres maladies peuvent aussi être transmises par les tiques à pattes noires, dont l’anaplasmose.
Les cas de maladie de Lyme se sont multipliés au cours des dix dernières années au Québec. Alors qu’entre 2014 et 2018, la moyenne des cas déclarés annuellement s’élevait à 219, ce nombre a grimpé à 524 entre 2019 et 2023.
Plusieurs facteurs ont augmenté les risques d’exposition aux tiques et à la maladie de Lyme, comme la présence d’habitats favorables aux tiques (boisés, forêts, herbes hautes, etc.) et une densité humaine plus grande à proximité des populations de tiques établies.
La tique à pattes noires. Photo de David Cappaert.
Pour en savoir plus sur les enjeux sanitaires liés à la maladie de Lyme, rendez-vous sur le site de l'INSPQ.
Des parcs sains et sécuritaires
Le projet PARCS en Santé est présentement réalisé par des chercheurs en partenariat avec des organisations, des municipalités, le gouvernement du Québec et l’Agence de la santé publique du Canada. Le projet vise à produire des connaissances scientifiques permettant de développer une stratégie d’intervention intégrée et durable pour protéger la biodiversité des parcs-nature périurbains et la santé humaine. Le projet vise six parcs dans les régions de Montréal, Montérégie et Estrie. L’initiative du projet consiste à mettre en œuvre l’approche « Une seule santé », soit une approche visant un équilibre durable de la santé des personnes, des animaux et des écosystèmes.
Le projet se concentre sur trois axes de recherches :
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Les tiques et les agents pathogènes;
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La biodiversité, les cerfs et la connectivité;
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La science citoyenne.
Dans le cadre de ce projet, Ouranos s’implique en soutenant le troisième axe de recherche qui s’articule autour de la science citoyenne. Il s’agit d’étudier son potentiel comme moyen de mobilisation et d’amélioration des comportements préventifs pour réduire les impacts des changements climatiques, entre autres en lien avec les risques de maladies transmises par les tiques, sur la santé humaine et les écosystèmes dans les parcs nature périurbains.
Figure 4 : Les parcs visés par le projet PARCS en santé
Prévention des risques
Avec le retour de la saison chaude, il faut prendre les précautions nécessaires pour éviter d’être infecté. Alors que le mois de mai se voulait être le mois de la sensibilisation à la maladie de Lyme, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada ont mis à disposition de la population de précieux conseils pour réduire les risques d’exposition à la tique à pattes noires et prévenir la maladie de Lyme. De nombreuses solutions existent, il suffit d’adopter quelques gestes simples, qui peuvent faire toute la différence!