L'hiver québécois, avec ses températures glaciales, n'est pas sans conséquences sur la santé de la population. Au-delà des engelures et des hypothermies, le froid exacerbe les maladies chroniques, fragilise les populations vulnérables et creuse les inégalités. Comment le Québec peut-il mieux se préparer à affronter les défis posés par le froid hivernal sur la santé de ses citoyens ?
Le contexte au Québec
Chaque année, les vagues de froid extrême causent le décès de plus d'une centaine de personnes au Canada. Au Québec, les vagues de froid causent plus de morts prématurées que les épisodes de vagues de chaleur.
Malgré la hausse des températures moyennes due aux changements climatiques, les vagues de froid demeurent un enjeu. En raison de la perte progressive de l’acclimatation au froid, les vagues de froid extrême pourraient devenir plus dangereuses pour la santé et la sécurité des populations.
Cela dit, certains groupes de la population y sont plus vulnérables, en raison de facteurs socioéconomiques. Parmi les personnes les plus à risque, on retrouve :
Les travailleurs extérieurs
Les personnes en situation d’itinérance
Les personnes défavorisées et/ou en situation de précarité énergétique
Les personnes âgées, les nourrissons et les jeunes enfants
Les personnes ayant des maladies chroniques préexistantes
Les personnes consommant de façon excessive des substances psychoactives (alcool, drogue) ou tabac
Aggravation des conditions de santé
Les conditions météorologiques hivernales peuvent exacerber les symptômes et les conséquences de certaines maladies chroniques ou de facteurs de comorbidité. Par temps froid ou très froid, on observe une augmentation des hospitalisations et de la mortalité des personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, cérébro-vasculaires et respiratoires, particulièrement les personnes ayant 45 ans et plus, avec un effet plus marqué pour les ainés.
D’autre problèmes médicaux comme le diabète, les maladies rénales, la malnutrition ou certains troubles neurologiques peuvent aussi accroître la vulnérabilité des individus face au froid. Les habitudes de vies telles que le tabagisme et la consommation d'alcool ou de drogue peuvent également augmenter la sensibilité aux effets du froid.
Les travailleurs extérieurs et les personnes en situation d'itinérance
En raison de leur exposition prolongée au froid, les travailleurs extérieurs et les personnes en situation d’itinérance sont particulièrement vulnérables au froid. Ils sont plus à risque de développer des problèmes de santé directs (engelures, gelures, brûlures dues au vent et hypothermie) et indirects (maladies respiratoires et cardiovasculaires). Cette vulnérabilité accentue les inégalités préexistantes pour ces populations.
En effet, certains travailleurs extérieurs peuvent avoir des difficultés à changer de travail ou à s'adapter en raison de leurs contraintes socio-économiques. De plus, les personnes en situation d’itinérance sont disproportionnellement touchées en raison du manque de logement adéquat, de problèmes de santé préexistants et de la prévalence aux problèmes de consommation.
Décès dus au froid au Québec
Au Québec, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ont constaté des seuils de surmortalité de 25 à 30 % pour des températures comprises entre -15 °C à -29 °C, selon les régions climatiques.
Des études montrent également que le risque d’hospitalisation augmente pour chaque degré de diminution de la température en deçà des conditions optimales.
Les ménages précaires
Certains foyers à faibles revenus sont particulièrement vulnérables lors de grands froids, en raison des coûts élevés de chauffage et de l’isolation souvent insuffisante de leur logement. Cette situation précaire les expose davantage au froid, impactant ainsi le bien-être physique et mental.
Ces difficultés économiques favorisent l’apparition de problèmes de santé liés au froid. Par exemple, au Québec, les visites à l'urgence pour problèmes cardiaques causés ou aggravés par le froid sont plus fréquentes dans les régions à faible niveau socio-économique.
Les communautés autochtones
Dans le Grand Nord québécois, les communautés autochtones, particulièrement celles du Nunavik, sont fortement exposées au froid. Une vulnérabilité qui s’explique également par des facteurs socio-économiques, tels que la défavorisation matérielle et la détresse économique et psychologique.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2015 et 2021, des 142 décès par hypothermie recensés au Québec, 21 sont survenus dans ces communautés. Un constat alarmant qui met en lumière les inégalités face aux aléas climatiques et la nécessité d'agir pour protéger ces populations.
Des leviers d’action essentiels
Au Québec, la gestion des épisodes de froid extrême repose sur un système d’alerte à plusieurs niveaux. Le système SUPREME informe les intervenants du réseau de santé publique, alors que le gouvernement canadien émet, quant à lui, des alertes à la population lorsque la température ou le refroidissement éolien atteint des seuils critiques bien établis.
Pour anticiper et mieux gérer ces aléas, le programme VRAC-PARC, lancé en 2019 par l'INSPQ, permet aux régions d'évaluer leur vulnérabilité face aux changements climatiques, incluant le froid. Il vise à élaborer des plans d'adaptation régionaux pour réduire les impacts du climat sur la santé et les inégalités sociales. Ces plans constituent d’excellents leviers d’action pour entamer une démarche d’adaptation dans les régions ayant identifié le froid comme une priorité.
Pour en savoir plus
Système de surveillance et de prévention des impacts sanitaires des événements météorologiques extrêmes (SUPREME) | Institut national de santé publique du Québec
Évaluation des vulnérabilités et risques régionaux liés aux changements climatiques et plans d’adaptation régionaux au climat en santé publique (VRAC-PARC) | Institut national de santé publique du Québec
Mesures d’adaptation populationnelles au froid | Institut national de santé publique du Québec
Portraits climatiques | Ouranos