Apprendre à vivre avec un climat changeant : quels leviers d’action pour les municipalités?
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Construire des collectivités locales plus robustes face aux aléas climatiques représente un défi majeur pour les municipalités. Si les villes du Québec occupent une position stratégique pour impulser des actions concrètes, il est crucial de renforcer leur capacité d’action.

Dans cette optique, comment accompagner les villes à mieux comprendre les enjeux liés au climat, pour favoriser une prise de décision politique éclairée ? Marie-Andree Mauger, mairesse de l’arrondissement de Verdun à Montréal, Philippe Guilbert, maire de Trois-Pistoles, et Jean-François Fortin, maire de Sainte-Flavie, nous ont partagé les défis auxquels sont confrontées leur municipalité, couplés à certaines pistes de solution.

L’adhésion commune comme point de départ

Pour prendre action face à l’évolution du climat, il faut comprendre son origine. Toutefois, au-delà de la compréhension de certains concepts climatiques, les élus interrogés ont mis en lumière un enjeu initial majeur : la nécessité de bâtir une adhésion commune au sein de l’administration.

«  Sans une direction municipale visionnaire et engagée, apprendre à vivre dans un climat en mutation reste une préoccupation secondaire. Il est, par exemple, difficile de justifier une formation lorsque le besoin n’est pas clairement défini ou perçu  », explique monsieur Guilbert, maire de Trois-Pistoles.

En effet, vivre et prospérer dans un climat changeant implique des modifications de comportements souvent perçues comme perturbatrices, voire contraignantes. La difficulté réside dans la manière dont elles sont appréhendées : il s’agit d’établir un lien clair entre les actions et leurs retombées concrètes.

«  Le rôle d’un élu est double : d’un côté, faire preuve de leadership en mobilisant la population et les employés municipaux, de l’autre, développer une vision partagée au sein de l’administration. Pour cela, il doit s’appuyer sur des fondations solides afin de fédérer l’ensemble de l’appareil municipal autour d’une vision commune  », explique Marie-Andree Mauger, en faisant référence au Plan climat 2020-2030 de la Ville de Montréal.

Mais toutes les municipalités ne partent pas du même point. Les plus petites, en particulier, peinent à composer avec des ressources financières et humaines limitées. Le transfert croissant de responsabilités vers les instances locales aggrave ces disparités et certaines municipalités ne disposent pas encore d’un service dédié à l’environnement.

Sainte-Flavie : quand l’urgence climatique dicte l’action

Les municipalités du Québec subissent les impacts des aléas climatiques à intensité et rythme inégaux. Malheureusement, certains événements extrêmes forcent les élus à prendre conscience, parfois brutalement, des conséquences pour leur communauté. C’est le cas de Sainte-Flavie, dans le Bas-Saint-Laurent, qui, après les grandes marées de 2010, a profondément transformé son approche.

Face à l’urgence, l’adhésion devient quasiment automatique. Pour assurer la pérennité de ses milieux de vie face aux transformations du climat, la municipalité a lancé plusieurs initiatives. En identifiant d’abord les mesures d’adaptation nécessaires, la ville a su orienter ses politiques publiques. Une étroite collaboration avec l’Université du Québec à Rimouski et le ministère de la Sécurité publique assure un suivi rigoureux et permet de renforcer sa réglementation environnementale.  

«  Préparer nos territoires et infrastructures aux nouvelles réalités climatiques implique de collaborer avec différents partenaires. Ces projets nécessitent également des leviers financiers pour être mis en œuvre efficacement. La municipalité a dû recourir à des programmes gouvernementaux et à des ressources externes pour soutenir ces efforts  », précise monsieur Fortin. 

De l’importance de la sensibilisation 

Qu’il soit directement confronté aux risques d’un climat changeant, ou non, l’élu est avant tout un citoyen. Comme tout individu, il doit être conscientisé et outillé pour intégrer pleinement les enjeux climatiques dans sa prise de décision.

«  Les efforts de sensibilisation doivent être portés par des figures crédibles et de confiance, capables de créer un sentiment d’appartenance et d’incarner une approche pédagogique, neutre et fédératrice  », évoque M. Guilbert, maire de Trois-Pistoles. 

À Sainte-Flavie, par exemple, un travail de conscientisation et de pédagogie a été entrepris parallèlement à l’adoption d’une politique environnementale. Une des premières étapes fut la création d’un poste dédié à la résilience côtière (un des premiers au Québec), aujourd’hui essentielle dans la gestion des risques. Ce rôle sert de relais d’information pour les citoyens et propose, par exemple, des guides pratiques qui rendent l’information plus accessible.

«  La mise en place de comités de zone d’intervention prioritaire (ZIP) a permis à des organismes régionaux d’agir pour protéger les écosystèmes fluviaux. Les municipalités, ainsi que les groupes environnementaux, y sont bien représentées  », indique monsieur Fortin.

Compréhension et maîtrise de concepts climatiques : un défi pour les municipalités ?

Une fois la sensibilisation et l’adhésion acquises, quels défis subsistent pour assurer la maîtrise des concepts climatiques clefs et ainsi favoriser une prise de décision politique éclairée ?

«  Bien que l’administration Plante affiche une adhésion générale au sujet de la crise environnementale, il existe des disparités dans la compréhension des problématiques climatiques au sein des 19 arrondissements et des 103 élus municipaux  », explique Mme Mauger.

Selon la taille de l’administration, la diversité des perspectives entraine parfois une compréhension hétéroclite des risques que représente l’absence de résilience collective. Il s’agit donc d’harmoniser la littératie pour assurer une vision et une action cohérente — une opportunité que la formation permet de saisir, par exemple. D’ailleurs, face à l’évolution rapide des connaissances et des solutions en adaptation climatique, il ne suffit pas d’acquérir une base solide : développer un réflexe de formation continue est indispensable pour rester pertinent.

Enfin, l’utilisation de termes concrets, ancrés dans les réalités des citoyens, permet une meilleure rétention de l’information. En parlant d’érosion plutôt que de réchauffement climatique, par exemple, les municipalités touchent directement les préoccupations locales. Ainsi, pour inciter à l’action, la capacité à vulgariser ces enjeux est tout aussi essentielle (une compétence également perfectible à travers la formation).

«  L’illustration de ces enjeux à travers des métaphores, comme celui des parcs éponges de Montréal, au lieu du terme technique de système de drainage, permet de rendre les idées plus accessibles et percutantes pour les décideurs et le grand public  », conclut-elle.

Apprendre à vivre avec un climat plus extrême repose sur une approche personnalisée et évolutive, adaptée aux réalités propres à chaque municipalité. En misant sur la sensibilisation, la diffusion d’une information vulgarisée et la disponibilité de formations ciblées, les villes peuvent renforcer leur capacité d’action et favoriser une adhésion collective aux enjeux climatiques. Un travail concerté qui s’impose comme levier incontournable pour bâtir un avenir durable et résilient. 

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