Session 2 – Climat et santé
Thématique : Enjeux transversaux
Protéger la santé des individus de la chaleur en milieux intérieurs résidentiels : le recours à un seuil de gestion pourrait-il s’avérer nécessaire ?
Clémentine Crouzier, Institut national de santé publique du Québec, Conseillère scientifique
Résumé : La plupart des seuils de gestion établis pour protéger les individus lors de conditions de chaleur élevée sont présentement basés sur des températures mesurées à l’extérieur. Or, les individus passent la majorité de leur temps dans divers milieux intérieurs, dont leur résidence où les conditions diffèrent du milieu extérieur. Les populations vulnérables, notamment celles éprouvant une altération de leurs capacités physiques, sont d’autant plus enclines à demeurer à l’intérieur. Le rôle principal des milieux intérieurs est de protéger l’humain contre les phénomènes naturels. Cependant, ceux-ci sont tributaires des conditions extérieures qui peuvent engendrer une accumulation de chaleur potentiellement délétère pour les occupants. Considérant les hausses des températures moyennes, de même que l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité de vagues de chaleur engendrées par les changements climatiques, les membres concernés de l’INSPQ ont effectué une revue de littérature afin d’identifier un seuil de température intérieur au-delà duquel des effets physiologiques, cognitifs ou une perte de confort peuvent être observés.
L’objectif de cette présentation sera d’énoncer les principaux constats issus de cette revue, de revenir sur certaines valeurs seuil soutenues par d’autres instances et de proposer un seuil de vigilance pour la population générale. Ces informations permettront aux instances de santé publique et aux gestionnaires de bâtiments de prendre connaissance des données probantes qui pourraient les guider dans l’adoption d’avenues de gestion de la chaleur dans les milieux intérieurs résidentiels.
Co-bénéfices pour la santé et la qualité de vie, des politiques de lutte contre les changements climatiques au niveau local
Thierno Diallo, Université Laval, Professeur adjoint
Résumé : Les villes ont un rôle important à jouer dans la lutte contre les changements climatiques. Plusieurs d’entre-elles prennent des actions pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ou s’adapter aux effets de ce phénomène. De nombreuses études ont montré que ces actions contribuent à la promotion des saines habitudes de vie (co-bénéfices). Le but de cette étude est d’évaluer les co-bénéfices pour la santé et la qualité de vie, des politiques de lutte contre les changements climatiques mises en œuvre par les autorités de la ville de Genève (Suisse). Elle vise également à aider les décideurs et les professionnels à prendre davantage conscience que la dimension santé peut aider à élaborer ou à soutenir des politiques climatiques. Le travail présenté pour Genève peut être appliqué à n’importe quelle ville du Québec.
Trois projets en relation avec des politiques climatiques ont été identifiés dans les domaines ci-après : aménagement du territoire et transport. Les principaux enjeux examinés sont la mobilité, la qualité de l’air, le bruit et l’énergie. La méthodologie utilisée est celle de l’évaluation d’impact sur la santé.
Les résultats ont montré que les politiques qui favorisent les transports en commun, la mobilité active et les énergies renouvelables sont à la fois favorables à l'environnement (réduction des émissions de CO2 et d'autres polluants) et capables d'apporter des avantages substantiels en termes de promotion de la santé. Cette étude montre aussi le rôle que les villes peuvent jouer dans la protection du climat tout en promouvant la santé.
Regard sur les impacts des changements climatiques sur la santé et la sécurité des travailleurs au Canada
Ariane Adam-Poupart, Conseillère scientifique, INSPQ
Bouchra Bakhiyi, Conseillère scientifique, INSPQ
Karl Forest-Bérard, Conseiller scientifique, INSPQ
Roberto Diabasana, Conseiller scientifique, INSPQ
Résumé : Les changements climatiques (CC) influencent la santé de la population générale et leurs impacts pourraient être considérables chez des populations plus exposées, comme certains groupes de travailleurs. L’intérêt de la communauté scientifique et des décideurs face à ces enjeux est grandissant depuis quelques années, mais peu d’outils sont disponibles pour soutenir les actions préventives dans les milieux de travail. Pour répondre à cette lacune, l’Institut national de santé publique du Québec a développé un cadre conceptuel pancanadien qui recense les principaux dangers/conditions qui sont ou seront exacerbés par les CC, leurs impacts sur la santé et la sécurité des travailleurs (SST) et les secteurs d’activité économique les plus affectés. Ce cadre a été développé à l’aide d’une revue rapide de la littérature et de consultations menées auprès d’organisations canadiennes œuvrant à protéger la santé des travailleurs. Il met en évidence 11 dangers/conditions pouvant être exacerbés par les CC. Cinq d’entre eux peuvent entrainer des conséquences directes sur la SST (ex. augmentation des vagues de chaleur). Les six autres peuvent entrainer des conséquences indirectes sur la SST en modifiant l’environnement de travail via la perturbation des écosystèmes et des changements d’ordre socioéconomique. Ce cadre pourrait servir aux autorités sanitaires ainsi qu’aux responsables de la SST lors des évaluations de la vulnérabilité des travailleurs aux CC dans les milieux de travail. D’autres publics pourront l’utiliser pour mener de nouvelles études pour acquérir des connaissances sur les risques et les mesures d’adaptation à déployer pour protéger les travailleurs face aux impacts des CC.
Cartographie des risques de zoonoses en contexte des changements climatiques
Danaelle Page Décoeur, Institut national de santé publique du Québec, Conseillère scientifique
Kirsten Crandall, Institut national de santé publique du Québec, Conseillère scientifique spécialisée
Résumé : Les changements climatiques modifient l’exposition aux zoonoses et le risque de les contracter : il est donc essentiel de développer des outils pour soutenir la planification des mesures de prévention et d’adaptation. De nouvelles cartes de répartition des zoonoses en contexte des changements climatiques sont produites par l’Institut national de santé publique du Québec, en collaboration avec Ouranos, dans le cadre du Plan pour une économie verte du Gouvernement du Québec. Une première carte interactive présentant l’aire de répartition actuelle et future des tiques Ixodes scapularis a été mise en ligne sur le Géoportail de santé publique du Québec en 2024. Les projections climatiques utilisées démontrent que l’environnement favorable à l’établissement de populations d’I. scapularis progressera vers le nord en se basant sur un seuil de 2800 degrés-jours supérieur à 0 °C aux horizons 2030, 2050 et 2080 pour les scénarios climatiques SSP2-4.5 et SSP3-7.0. Cette progression augmente le risque d’exposition des populations humaines aux maladies transmises par les tiques, comme la maladie de Lyme et l’anaplasmose. Cette carte permet également aux utilisateurs d’ajouter d’autres couches de facteurs de risque géoréférencés, tels que la distribution de la population humaine et les habitats favorables aux tiques. Une deuxième carte, présentant l’aire de répartition actuelle et future du virus du Nil occidental utilisant les mêmes horizons temporels et scénarios climatiques, sera produite en 2025. Cette présentation résumera comment ces cartes peuvent soutenir les décideurs et acteurs de l’adaptation et exposera certains défis de cartographier des zoonoses en lien avec des projections climatiques.
Santé mentale des pêcheurs et pêcheuses et changements climatiques
Isabelle Goupil-Sormany, Université Laval, Médecin clinicien enseignant adjointe
Résumé : L'écosystème du Golfe Saint-Laurent connaît de grandes transformations induites par les changements climatiques : réchauffement des eaux, diminution des taux d'oxygène, perte de la biodiversité. L'écosystème marin du Golfe est affecté de façon indéniable par ces changements.
Les pêcheurs et pêcheuses qui vivent des ressources marines "sauvages" sont aux premières loges des transformations en cours. Entre les tensions liées aux mesures de contrôle de la pêche, elles-mêmes imposées par la nécessité de préserver les ressources, les coûts de plus en plus importants associés à la pratique de leur métier séculaire et les enjeux de sécurité, les pêcheurs ont un rapport aux changements climatiques particuliers : doute, insécurité, sentiment d'injustice et colère, mais aussi opportunisme et volontarisme.
Une recherche exploratoire effectuée auprès de trente pêcheurs, pêcheuses et leur famille témoigne d'une santé mentale fragilisée par les conditions environnementales. Elle met en lumière leur désir de maintenir la culture de la pêche et de trouver des solutions locales, durables, centrées sur les communautés et sensibles à leurs réalités propres.
La gestion des pêches actuelle ne semble plus un modèle durable. Le passage d'une crise à l'autre (morue, poissons de fonds, crevettes) est un vecteur vers de nouveaux modèles intégrés de pêche, qui nourrissent les communautés et s'ancrent dans la fierté du métier. Cela impose des transformations de l'ensemble de l'écosystème des pêches : de la mer à l'assiette