Changements climatiques et sécurité alimentaire traditionnelle dans le nord du Québec
Les résultats de ce projet permettront aux communautés autochtones, aux organisations régionales, et aux gouvernements provincial et fédéral d'envisager un avenir où la sécurité alimentaire traditionnelle est assurée.
Détails du projet
Responsable(s) scientifique(s)
Contexte
Les systèmes alimentaires locaux autochtones reposent sur la récolte, la consommation et la conservation de la biodiversité locale et sont axés sur la santé. L’alimentation locale connecte les individus et la nature, et contribue à la santé, au bien-être et à l’identité culturelle des communautés autochtones. Par conséquent, la recherche portant sur les systèmes alimentaires locaux autochtones doit dépasser la classification disciplinaire qui veut que le monde naturel, le monde social et la santé des individus soient étudiés comme des entités distinctes. À l’heure actuelle, les changements climatiques constituent la crise environnementale prédominante dans le monde. Le réchauffement planétaire observé dépasse déjà les prévisions de certains des scénarios d’émissions carbone les plus extrêmes, faisant de l’adaptation un impératif, aujourd’hui et à l’avenir. Les communautés s’inquiètent des effets négatifs des changements climatiques sur la sécurité alimentaire locale en signalant les espèces sauvages menacées ou en déclin, les changements affectant la santé, les comportements et la répartition de la faune et les difficultés et périls associés aux déplacements à travers les terres, les cours d’eau et les glaciers pour avoir accès à ces ressources.
Mieux comprendre les effets récents et actuels des changements climatiques sur les systèmes alimentaires locaux et être mieux informés pour en prévoir les futures conséquences est un élément de connaissance essentiel et une priorité de recherche. Il est vital d’identifier les conséquences des changements climatiques sur les systèmes alimentaires locaux et les espèces alimentaires essentielles et d’élaborer des stratégies d’adaptation capables d’assurer la sécurité alimentaire à une époque où les changements sociaux et environnementaux s’enchaînent rapidement, afin garantir la pérennité des communautés du Nord et de préserver leurs modes de vie.
Objectif(s)
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Documenter et anticiper les répercussions des changements climatiques sur la sécurité de l’alimentation traditionnelle dans le nord du Québec, notamment au sein des communautés cries d’Eeyou Istchee et inuites de Nunavik, en rassemblant les connaissances existantes et en créant ensemble un nouveau savoir ;
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Soutenir la capacité d’adaptation des communautés du Nord pour maintenir l’intégrité de leurs systèmes alimentaires locaux et le rôle des aliments locaux dans leur bien-être, leur culture et leur relation à la terre.
Méthodologie
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Revue de la littérature, analyse des documents et données antérieurs
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Ateliers et forums sur les connaissances, observations et priorités régionales/locales
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Interviews et observation des participants avec les principaux interlocuteurs et détenteurs de savoir
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Recherche et surveillance de la faune sauvage en partenariat avec les communautés
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Détection à distance, biotélémétrie et modèle d’écosystème
Résultats
Les principales conclusions sur le processus de recherche impliquant la communauté et la production conjointe de connaissances sur les systèmes alimentaires locaux autochtones révèlent qu’il y a un besoin de transdisciplinarité, de pluralité du savoir, de spécificité contextuelle, d’objectifs communs et d’interaction, et que les stages pour étudiants diplômés au sein des organisations partenaires améliorent les relations dans le cadre de la recherche, ainsi que la compréhension et la réciprocité.
Systèmes alimentaires locaux des autochtones
Les principales conclusions définissent ces derniers comme un réseau de valeurs créé par les individus et la terre (Figure 1), s’appuyant sur la disponibilité, l’accessibilité, l’adéquation et l’utilisation comme fondements de la sécurité alimentaire, et contribuant à l’enrichissement culturel, et avantageux d’un point de vue économique et nutritionnel.
Récolte d’animaux sauvages et consommation d’aliments locaux dans le nord du Québec
Les principales conclusions sont en lien avec l’accélération et l’interconnexion des changements sociaux, économiques et environnementaux, la diversité des espèces de poissons, d’oiseaux, de mammifères et de plantes utilisées dans l’alimentation locale, et la variabilité de leur importance, sur le plan nutritionnel et économique, entre régions, parmi les communautés et dans le temps.
Répercussions des changements climatiques sur la sécurité alimentaire locale
Les principales conclusions indiquent l’importance de la sensibilité et de la capacité d’adaptation de l’ensemble du système et de chacun de ses composants, ainsi que des réponses systémiques susceptibles d’entraîner une augmentation de la biodiversité (Figure 2), notamment l’expansion vers le Nord d’espèces originaires du Sud. Elles indiquent également une exposition et une sensibilité accrues aux changements climatiques dans le Nord pouvant entraîner des réponses systémiques plus vastes, des pratiques communautaires de récolte et d’utilisation des aliments peu susceptibles de simplement changer au fur et à mesure que le climat local et les conditions écologiques changent, et la priorité donnée au savoir local sur le déclin de l’abondance, de la santé et de l’utilisation d’espèces alimentaires essentielles.
Implications sur le plan politique
Les principales conclusions soulignent que les politiques régissant les systèmes alimentaires locaux se recoupent avec un grand nombre d’autres politiques généralement cloisonnées. Les répercussions des changements climatiques et les adaptations connexes s’inscrivent dans de multiples champs d’application et sont liées à de nombreux facteurs de stress. Les prévisions climatiques sont utiles pour l’avenir, mais il faut trouver le bon équilibre entre généralité et complexité, certitude et incertitude, mesures immédiates et besoin d’informations supplémentaires, et, soutenir l’avis des experts et faire preuve d’humilité.
Figure 1. Chaîne de valeur d'un système alimentaire autochtone; les couleurs représentent les domaines de connaissances typiquement cloisonnés, qui incluent les sciences naturelles axées sur l’environnement physique et les populations d’animaux sauvages (vert), les sciences sociales axées sur le savoir et la culture (or) et les sciences médicales axées sur l’alimentation, la nourriture et la santé (violet).
Figure 2. Effet du climat de Québec sur les populations de poissons (vert), d’oiseaux (gris), de mammifères (marron) et sur la faune globale (noir) par rapport à la température annuelle moyenne (période de référence 1981-2010). Les flèches horizontales indiquent le changement climatique projeté (scénario d’émissions élevées RCP 8.5; horizon 2041-2070) et les flèches verticales le changement possible en termes de diversité, exprimé en nombre d’espèces (changement en pourcentage).
Activités futures
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Projets en cours concernant les espèces alimentaires locales et les changements environnementaux dans le nord du Québec, notamment conséquences de l’expansion des colonies de castors sur l’omble et d’autres animaux sauvages à Nunavik, changements affectant les populations d’orignaux et la qualité de leur habitat eu égard à l’évolution du climat, des forêts et des perturbations liées aux feux, changement phénologique et nutrition et bien-être procurés par les baies et autres plantes, changement de l’écologie côtière de la Baie James, notamment en ce qui concerne les zostères, les oies et les ours polaires.
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Élaboration d’un projet d’apprentissage pour les jeunes sur l’alimentation locale, initialement axé sur Whapmagoostui, Eeyou Istchee
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Élargissement de l’étude de la diversité et de la production terrestre pour analyser comment l’évolution de la productivité marine affectera la sécurité alimentaire dans les régions maritimes de Nunavik et d’Eeyou.
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Recherche communautaire tournée vers l’action et axée sur la mise en place locale et régionale d’initiatives d’adaptation des modes d’alimentation.
Retombées pour l'adaptation
Retombées pour l'adaptation
Dans le cadre de ce projet collaboratif, des stratégies d’adaptation et d’atténuation ont été identifiées conjointement avec les détenteurs de savoir local et les organisations régionales afin de limiter les effets négatifs des changements climatiques sur les systèmes alimentaires locaux, tout en consolidant la résilience socioécologique des communautés d’Eeyou Istchee et de Nunavik.
Les adaptations envisageables des systèmes alimentaires locaux aux changements climatiques incluent la préservation des bases de l’alimentation locale, les innovations dans le domaine agricole, le soutien aux chasseurs-cueilleurs, la redéfinition des réseaux de partage des aliments; l’apprentissage basé sur la terre, la nourriture et la culture, l’adaptation des calendriers de récoltes et des réponses face aux évènements météorologiques, la récolte d’espèces plus petites, la gestion des espèces invasives et la promotion du bien-être.
Publications scientifiques
Financeur(s)
Ce projet est financé par le gouvernement du Québec et répond aux objectifs du Plan pour une économie verte 2030.
Autres participants
De nombreuses organisations régionales et territoriales ainsi que plusieurs institutions académiques ont été impliqués dans ce projet.